Michel Klingler, 34 ans, originaire de Strasbourg, est un touche-à-tout aguerri. Après ses études en France, il a travaillé pendant 5 ans en Allemagne en tant que technico-commercial. À 25 ans, il a fini par rejoindre sa mère et sa soeur installées au Québec. Neuf ans plus tard, il est passé maître en l’art des reconversions professionnelles et savoure sa chance au quotidien.
Il parle français, anglais et allemand couramment, mais aussi “un peu” portugais. Une passion pour les langues qui l’a poussé à quitter la France rapidement une fois son diplôme en poche. “Au niveau du travail en Europe et en France, j’avais l’impression de stagner”, se souvient Michel qui a pu tenter sa chance en arrivant ici. “C’est ce que j’apprécie le plus au Canada : on ne regarde pas vraiment les diplômes mais plutôt le potentiel de la personne. C’est ce qui m’a toujours permis de trouver des emplois qui me ressemblent, parfois à mille lieux de mon CV d’origine”, raconte le Strasbourgeois qui, à l’époque, cherchait pourtant coûte que coûte à rester dans son domaine d’origine. Culture française oblige.
“Souvent, je passais les entretiens téléphoniques haut la main, et face à l’employeur, au moment de parler anglais, je perdais mes moyens. C’était assez violent à vivre !”, se souvient Michel qui a fini par suivre des cours d’anglais à Montréal tout en veillant à regarder ses séries préférées en VO. “Je me suis rendu compte qu’à Montréal parler français ne suffisait pas pour trouver un emploi et qu’il fallait parler couramment anglais, surtout pour un job de commercial !”. Ce sont finalement ses lacunes en anglais qui lui ont permis de se donner les moyens de s’ouvrir à d’autres voies professionnelles. Un mal pour un bien qu’il ne regrette pas, au contraire.
“Si j’étais resté en France ou en Allemagne, je suis certain que j’aurais continuer ma carrière toute tracée, peut-être en évoluant un petit peu mais sans plus”, estime Michel, fier d’avoir osé faire quelques détours pour se (re)trouver et faire, enfin, ce qu’il aime. “J’ai toujours aimé l’informatique mais je n’ai jamais eu aucun diplôme dans ce domaine. Ici, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a donné ma chance en me laissant travailler à ses côtés. En tant que Français, cela me paraissait inconcevable : tu es dans une case, tu y restes”, raconte le trentenaire qui a aussi profité de la souplesse du système canadien pour se former tout en travaillant. “En 5 ans, j’ai évolué et j’ai obtenu 3 postes différents (…), j’ai pu développer tout un rayon de compétences dans l’informatique”.
De l’informatique à la 3D en passant par la construction
Si la reconversion professionnelle traverse l’esprit de milliers de personnes chaque année, peu osent réellement se lancer. Peur de ne pas faire “le” bon choix (comme s’il n’en n’existait qu’un seul), de ne pas être à la hauteur, de manquer d’argent… Les obstacles, surtout psychologiques, sont nombreux. “Pourtant, il faut foncer ! Il y a peu de chances qu’on se retrouve à la rue, on a toujours quelqu’un qui sera là pour nous ouvrir sa porte”, lance simplement le Français, résolument optimiste, qui en a fait l’expérience en Amérique du Nord.
Du haut de ses 30 ans, il a ensuite décidé de franchir un autre cap, en changeant à nouveau de carrière. Son nouveau domaine de prédilection : la 3D. “J’ai repris mes études en cours du soir au Collège Lasalle pour devenir artiste 3D dans l’univers des jeux vidéos”, raconte Michel qui a même décroché un stage chez Gameloft (son rêve d’enfant) mais qui a rapidement déchanté. “J’ai réalisé que ce n’était pas pour moi ! Je n’aimais pas la façon de travailler, entre autres”, raconte brièvement l’acharné de travail.
Qu’à cela ne tienne, il décide de changer à nouveau de voie et de vie. “J’ai eu envie d’aller m’installer à Vancouver (…). J’ai commencé par visiter les îles aux alentours et j’ai découvert une ferme où j’ai fait du woofing avant de visiter la ville de Vancouver”, se souvient Michel qui ne s’est pas senti autant chez lui qu’à Montréal mais qui a décidé de passer un peu plus de temps à la ferme avant de revenir au Québec. “J’y suis resté un an finalement ! (rires)”. Résultat des courses : il s’est forgé une solide expérience dans la construction et ses compétences acquises en Colombie-Britannique lui servent encore aujourd’hui. Il n’y a pas de hasard, selon lui, ou alors des hasards nécessaires.
“Toutes les expériences que j’ai eues avant et les compétences que j’ai développées s’avèrent payantes pour le poste que j’ai maintenant”, résume l’heureux directeur des opérations chez SmartPixel.tv à Montréal, une entreprise qui développe des applications de jeux vidéo appliquées aux milieux professionnels. Le but ? Rendre les produits intéressants et attractifs.
S’il est arrivé au bout de ses reconversions professionnelles ? L’avenir lui dira. En attendant, il suit quand même une formation professionnelle de yoga à raison de deux fins de semaine par mois. “Prof de yoga ? Peut-être plus tard…”. Il n’est jamais trop tard pour changer de vie.