On ne va pas tourner autour du pot : les Français et les langues étrangères, ce n’est pas une très grande histoire d’amour. Si certains ont la chance d’avoir vécu dans un pays anglophone pour y étudier ou y travailler, d’autres n’ont que la langue de Molière pour repère. Arrivés à Montréal, ils sont parfois déboussolés par le bilinguisme ambiant et mis sur la touche par les recruteurs qui ne les trouvent pas assez fluent in english.
“C’est difficile à assumer d’avoir des lacunes. D’autant que la maîtrise de l’anglais est devenue la norme dans de nombreux secteurs de travail à Montréal”, estime Marine D.* qui ne compte plus le nombre de réponses négatives reçues après avoir postulé à des jobs. “Ici, l’anglais c’est toujours ce qui m’a posé le plus de problème. Je vois souvent des offres d’emplois qui correspondent bien à mon profil sauf pour le critère bilingue”, raconte la Bretonne en PVT qui trouve cela très gênant et frustrant. “Souvent les recruteurs me disent : “c’est dommage, tu as tout pour toi pourtant” ! C’est vraiment une tare de ne pas être bilingue, en fait”, lance celle qui n’est pas capable de tenir une conversation en anglais mais qui comprend tout ce qu’elle entend.
Paradoxalement, c’est pourtant l’aspect francophone de la métropole québécoise qui l’avait d’abord attirée. “J‘ai l’impression qu’on fait croire aux Français restés en France que l’anglais n’est pas très important ici puisqu’on est au Québec. Mais c’est complètement faux ! On sait que les Québécois défendent la langue française, et tant mieux, mais on oublie de préciser qu’une grande partie d’entre eux est aussi bilingue. Cela ne leur pose souvent aucun problème de switcher d’une langue à l’autre, ils sont à l’aise en anglais”, confie Marine D. qui considère le critère de la langue comme une discrimination à l’embauche.
Pour mettre les chances de son côté, elle a donc prévu de prendre des cours d’anglais à la rentrée mais estime qu’elle ne sera jamais bilingue pour autant. “L’idéal ce serait qu’on nous laisse notre chance de travailler et de s’immerger dans un environnement anglophone pour qu’on fasse nos preuves. Cela nous permettrait d’apprendre la langue plus rapidement en la pratiquant sur le terrain, j’en suis sûre !”.
Macha Guy aussi a vu plusieurs emplois lui passer sous le nez, faute de savoir parler anglais couramment. “Quand je suis arrivée à Montréal, j’ai voulu m’inscrire dans une agence de placement. On m’a demandé mon CV et on m’a dit que mon profil était très recherché”, se souvient la jeune femme qui a rapidement dû annoncer que son anglais était “nul”. “La personne m’a rendu mon CV en me disant qu’elle ne pouvait rien faire pour moi !”. Coup dur pour la jeune femme qui ne désespère pas et postule à une annonce qui correspond parfaitement à ce qu’elle recherche. “Il n’était écrit nulle part qu’il fallait parler anglais. Sauf qu’en entrevue, les recruteurs ont switché en anglais au bout d’un moment… J’étais déboussolée alors je leur ai dit je comprenais l’anglais mais que je ne l’avais pas assez pratiqué pour soutenir une conversation”, explique Macha Guy qui a été gentiment remercié. “On m’a dit qu’il fallait absolument être bilingue car c’était un poste où des personnes du Fédéral appelaient régulièrement.”
“Je ne postule plus aux offres lorsqu’il est écrit “anglais exigé””
Même problématique du côté d’Agathe Beaudouin, une journaliste installée à Montréal depuis peu. “Quand je suis arrivée, j’ai postulé pour un poste de rédactrice dans un magazine francophone. Mon profil correspondait aux critères demandés alors j’ai envoyé mon CV et j’ai répondu à un entretien téléphonique qui s’est bien passé”, raconte la Française qui a ensuite été convoquée à un entretien d’embauche avec un chef de la publication… anglophone.
“L’entretien s’est bien déroulé mais au moment où ils m’ont demandé mon niveau d’anglais, j’ai répondu que je pouvais parler mais sans doute pas écrire un article en anglais.” Sa candidature n’a finalement pas été retenue en raison de son niveau d’anglais, jugé “pas assez élevé” selon les recruteurs. “Ils m’ont aussi fait savoir que le chef de la publication aimait bien communiquer en anglais donc ça n’aurait pas forcément été pratique”, rapporte celle qui s’est promis de prendre des cours d’anglais à Montréal puisque la plupart des offres d’emplois qui l’intéressent exigent un niveau bilingue. “En attendant, je ne postule plus aux offres lorsqu’il est écrit “anglais exigé””.
Marine Vincent, conférencière, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et coach à son compte, ne l’entend pas de cette oreille. “Il faut postuler quoiqu’il arrive, ça ne coûte rien. Les Français parlent généralement beaucoup mieux anglais qu’ils ne le croient, culture de l’échec oblige. Et puis, être bilingue n’est pas aussi obligatoire que cela en a l’air sur certaines offres d’emplois”, estime la coach qui encourage les Français à ne pas baisser les bras. “Souvent, pour la plupart des postes, il suffit de savoir tenir une conversation en anglais”. Plus facile à dire qu’à faire, certes.
“J’en avais des sueurs froides”
Catherine Armagnac, quant à elle, estime que tout dépend des attentes des entreprises. Recalée d’un poste chez Ubisoft Montréal car les recruteurs avaient estimé que l’anglais n’était pas son “point fort”, elle a finalement été embauchée dans une entreprise américaine l’année suivante où elle n’a travaillé qu’en anglais. “Ça s’est bien passé sauf en rédaction d’articles… C’était dur”, avoue la Française selon qui rédiger des articles et des notes de nomination en anglais n’est pas une mince affaire.
“On m’a offert des cours d’anglais, niveau avancé, à l’oral pour être encore plus à l’aise. Mais cela n’a pas résolu mes soucis à l’écrit… J’en avais des sueurs froides ! Je me faisais relire par ma collègue américaine, une adjointe de direction, mais elle ne s’attardait qu’aux fautes et pas forcément aux tournures de phrases”, se souvient Catherine Armagnac qui estime que cette expérience lui a fait perdre ses moyens et une partie de sa confiance en elle.
De son côté, Alexis Bouchard*, graphiste parisien installé au Québec depuis 6 ans, n’a jamais eu de problème à trouver un emploi à Montréal mais a rapidement compris que l’anglais ferait désormais toujours partie de son quotidien. “Quand je suis arrivé à Montréal, j’ai trouvé un job dans une université québécoise. Je me souviens de séances de formation sous forme de webinaires (NDLR : séminaires web) entièrement en anglais. Vu mon niveau d’anglais, j’étais un peu déconcerté les premières fois et en même temps, je voulais faire bonne figure face à mes collègues québécois”, raconte le jeune homme qui avoue n’avoir pas toujours tout compris à ces séminaires en ligne mais qui faisait de son mieux pour tendre l’oreille et prendre des notes. “Au moins, on m’a donné ma chance et personne ne m’a jamais reproché de ne pas être assez bon en anglais ou d’être trop français. J’étais comme tous les autres employés”, lance le jeune homme, qui s’est ensuite forcé à participer à des meetups en anglais pour se sentir plus à l’aise dans la langue de Shakespeare.
Enfin, n’oubliez pas qu’apprendre ou améliorer son anglais à Montréal, c’est possible ! Ces Français l’ont fait. Yes you can. Sinon vous pouvez aussi tomber en amour avec un.e Canadien.ne et réviser les bases ensemble. Ou alors payer pour apprendre l’anglais à votre rythme et selon vos envies, on vous dit tout ici. Enjoy.
*Les noms ont été modifiés.