À l’approche des fêtes, vous vous êtes jeté(e)s à l’eau et avez convié quelques voisins et/ou amis québécois à partager un repas chez vous ? Excellente initiative ! Mais prenez garde à ne pas les inviter 100% “à la française” sous prétexte de les initier à votre culture. Souvenez-vous de l’adage “À Rome, fais comme les Romains” et mettez de l’eau dans votre vin.
Informez et proposez sans imposer
Selon la cheffe et auteure Andrea Jourdan, les Québécois sont devenus très ouverts sur la gastronomie : “Il y a 20 ans, les Québécois mangeaient à 17 h et buvaient du gros gin, de la bière et du vin très “moyen”. N’en déplaise aux Français – qui se sont longtemps moqués des Québécois – aujourd’hui, ils mangent à 19 h et sont devenus des amateurs de vins fins. Et ils sont curieux ! Plusieurs cuisines les interpellent”, souligne la cuisinière. Mais avant d’enfourner vos escargots ou de commander votre plateau d’huîtres, prenez quelques précautions.
Cécile Lazartigues-Chartier, conseillère en interculturel, recommande d’annoncer la couleur à l’avance si le menu est très français. “Nous pouvons témoigner de notre tradition dans une invitation à partager nos richesses. Nous avons eu par exemple beaucoup de succès en invitant des Québécois pour la galette des rois“, raconte l’experte. Proposez sans imposer, d’autant plus si vous prévoyez de mettre des plats un peu hors du commun sur la table. “Pour nous, des huîtres à Noël, c’est très bizarre et la plupart des gens ne savent pas comment faire avec les fruits de mer“, prévient le journaliste Jean-Benoit Nadeau qui a habité en France avec sa femme, une expérience qui leur a d’ailleurs inspiré l’écriture de plusieurs livres. Sondez vos convives à l’avance, sans oublier de les interroger sur leurs éventuelles allergies ou intolérances.
Concernant l’horaire, oubliez les invitations à 20 h ou 20 h 30 ! 18 h 30 ou 19 h seront plus appropriés. Évitez les invitations évasives à “dîner”, sources de quiproquos linguistiques, conseille Jean-Benoit Nadeau. Le journaliste recommande par ailleurs de préciser plusieurs choses auxquelles les Québécois ne sont généralement pas habitués : si les enfants sont invités, sont-il prévus pour le repas ? Si vous invitez pour l'”apéro”, faites-leur comprendre qu’il y aura aussi à manger et lorsque vous invitez pour le repas de midi, prévenez vos invités si vous pensez que vous ne sortirez pas de table avant 16 h !
Ne soyez pas trop protocolaires
Vous avez un service digne de l’Élysée ? Gardez-le pour d’autres occasions. Une étiquette trop sophistiquée avec multiples verres et couverts (voire ustensiles spécifiques) pourrait mettre vos convives mal à l’aise. “Tout dépend si vos invités québécois sont instruits ou s’ils ont voyagé, mais ils risquent d’être perdus“, prévient Jean-Benoit Nadeau. Si vous tenez à leur faire découvrir vos fameux escargots à l’ail et le maniement de la pince, “il faut les prendre sous l’angle du jeu sans être paternalistes“, conseille le journaliste. Si vous placez vos invités, sachez que certains couples préfèrent rester à côté.
À défaut d’en mettre plein la vue avec votre service, vous pouvez proposer des plats sophistiqués. “Si vous invitez des Québécois au réveillon, ou durant les fêtes, prévoyez du foie gras, du bon vin et peut-être une petite tourtière pour les rendre heureux. Tout le reste peut être de votre cru car la curiosité gastronomique les habite”, encourage Andréa Jourdan. Un petit truc de Cécile Lazartigues-Chartier : n’hésitez pas à mettre du beurre à table ou à en proposer. Les Québécois auraient donc gardé quelques points communs avec les Bretons et les Normands…
Évitez certains sujets
Un bon conseil de Cécile Lazartigues-Chartier : “Toujours laisser les gens mettre le pied là où ils ont envie d’aller.” Ce n’est pas le moment de lancer une polémique ou un débat animé sur la langue, la politique ou l’indépendance du Québec ! “Les Québécois n’ont pas une culture de la discussion chaude, où l’on explore des points de vue avec des opinions tranchées”, confirme Jean-Benoit Nadeau qui recommande plutôt de privilégier des sujets fédérateurs, comme le dernier film que vous avez vu. Un peu plate, nous direz-vous ? “Si vous voulez vraiment avoir un souper sportif au niveau de la discussion, lancez plutôt des sujets chauds français, comme par exemple les gilets jaunes”, suggère le journaliste. Vous êtes vernis, l’actualité n’en manque pas.
Ne prenez pas la mouche
“Si vous n’avez pas reçu de réponse positive de Québécois à une invitation pendant les fêtes, ne le prenez surtout pas de manière personnelle“, prévient Cécile Lazartigues-Chartier. Contrairement à la France, le 31 décembre est souvent célébré en famille au Québec, devant le Bye Bye à la télévision.
Vos invités semblent avoir passé une très bonne soirée, mais trois mois après, ils ne vous ont toujours pas renvoyé l’ascenseur ? “Il ne faut pas s’en offusquer, ce n’est pas dans les usages“, explique Jean-Benoit Nadeau. “En général, les Français sont assez privés sur eux-mêmes sauf pour la table : ils invitent volontiers chez eux et font entrer les gens dans leur salle à manger. Les Québécois vont être plus farouches mais s’ils vous invitent, ils vous montreront toute la maison“. Une invitation plus intime et rare, à mettre dans votre liste de souhaits pour 2020 ?