“J’ai 72 ans depuis le 7 octobre, je suis né en 1946, juste après la guerre ! Vous imaginez”. C’est en ces termes que débute notre entrevue en compagnie de Bernard Lavilliers, l’artiste français venu renouer avec son public québécois qu’il n’a pas revu depuis 10 ans.
S’il revient, c’est d’abord pour “prendre la vibe, savoir comment les immeubles poussent à Montréal et comment les mentalités changent (…)”, a indiqué le boxeur-poète, qui vient de sortir un ouvrage où l’on retrouve une centaine de ses chansons “mises en scène” par sa femme graphiste. “J’adorais l’idée d’utiliser les mots comme des peintures ou des volumes. C’est ma femme qui fait toutes mes affiches et mes pochettes de disques depuis des années ! Mais ce n’est pas pour ça que je l’ai épousée (rires)”.
Ce qui le garde en vie, selon lui ? La boxe (depuis toujours) mais aussi la musique et surtout “la culture des autres”. “Je suis très attiré par leur façon d’être amoureux (…). L’amour, c’est la seule chose qui unit les hommes et les femmes du monde entier, c’est tellement abstrait, c’est comme la musique”, nous a lancé l’amoureux de Cendrars.
Au programme de son concert montréalais du 15 novembre ? “Je n’en sais rien, je teste les vibes d’abord… Mais je vais quand même vous chanter des trucs que j’ai écrits récemment sinon je m’emmerde moi !”, nous a lancé celui qui n’a pas prévu de passer le reste de sa vie à chanter ses vieux tubes. “À un moment donné, il faut savoir si on est encore vivant ou déjà mort. (…)”. Préparez-vous à un concert solaire et tropical, a priori. Sans trop d’idées noires.
Deux titres forts
Interrogé sur les titres les plus forts de son nouvel album, l’artiste engagé ne s’est pas fait prier pour répondre. “Croisières méditerranéennes, c’est l’histoire de migrants…”, lance le chanteur français avant de se reprendre, visiblement très ému. “Non, c’est plutôt l’histoire de réfugiés qui meurent au fond de la Méditerranée… C’est quand même très grave”, confie celui qui a financé l’Aquarius.
L’autre chanson qui lui tient particulièrement à coeur : “Vendredi 13” dans laquelle il revient sur les attaques terroristes survenues au Bataclan en 2015. “Je chante l’espoir parce que j’y crois. L’espoir ça se mérite (…). Ce qui me fait écrire, c’est l’amour et l’espoir”, nous a confié Lavilliers avant de nous faire philosopher avec lui sur le temps qui passe — en écho au titre de son dernier livre, “Je n’ai pas une minute à perdre, je vis”.
“Essayer de gagner du temps est une erreur fondamentale. Le temps est un art abstrait ! On ne perd pas de temps non plus, on s’ennuie parfois, c’est tout.” Carpe diem.