Depuis plus de 35 ans, Patrice Chavegros est « thanatologue », soit expert de la mort. Un métier qui s’exerce de manière un peu différente des deux côtés de l’Atlantique.
Derrière l’accent ensoleillé, l’émotion. Depuis le 21 mars, Patrice Chavegros est devenu citoyen canadien. Ce Français originaire de la région de Bordeaux, installé à Montréal depuis 23 ans, n’a « jamais eu le temps de faire sa demande avant », dossier fastidieux oblige, mais ne cache pas sa joie. « Je l’ai vécu comme un bouclage, un rêve d’enfant qui se réalise ». Car avec un grand-père marin lors de l’opération Fish en 1940 – évacuation de l’or la Banque de France vers le Canada – le pays faisait figure d’Eldorado dans la mythologie familiale.
Après un an sur le Paquebot Pasteur, avoir été porté disparu entre les deux continents, le marin était tombé en amour de la qualité de vie canadienne. « Même s’il a voyagé dans le monde entier, le Canada est le seul pays où mon grand-père aurait rêvé s’établir », raconte Patrice Chavegros, « il disait : vous devriez aller voir ! ». Alors en 1996, il lance, avec sa femme et ses trois fils, les démarches pour devenir résident permanent. En moins d’un an, la famille se retrouve au Québec, « ce qui serait beaucoup plus complexe aujourd’hui », ajoute-t-il.
Patrice Chavegros cherche alors dans son secteur, le funéraire. Une spécialité qui s’est imposée à lui suite aux hasards de la vie : d’abord ambulancier, le jeune homme apprend, de morgues en cimetières, le travail funéraire. « C’est le métier qui vous choisit ! ». Il travaille alors une dizaine d’années, d’abord dans le Béarn puis en Gironde, avant de prendre le large.
Malgré son expérience, il commence comme préposé à l’entretien d’un cimetière. Mais très vite, il gravit les échelons, et se retrouve directeur du parc commémoratif de Montréal, seulement quatre ans plus tard. En 2004, Patrice Chavegros est recruté par le complexe funéraire Magnus Poirier comme directeur des Ventes, puis devient Vice Président des ventes et du service à la clientèle du groupe, poste qu’il occupe depuis plus de dix ans.
Une carrière fulgurante, qu’il n’aurait « pas pu connaître en France », assure-t-il. « Ici, c’est moins hiérarchisé, vous êtes évalué pour vos compétences, pas votre cursus ». Des opportunités d’évolution qui tiennent aussi à l’organisation des groupes funéraires : alors que les petits cimetières français essayent aujourd’hui de se regrouper pour être plus puissants, les grands groupes funéraires dominent le marché depuis longtemps côté Canada. Magnus Poirier en est un bon exemple : société familiale depuis 1923, le groupe développe aujourd’hui des spécialités dédiées à toutes les religions et coutumes, en 12 langues différentes. « Avec les vagues d’immigration diverses à Montréal, il a fallu s’adapter à tous », explique Patrice Chavegros.
Si « le résultat est le même », les techniques de thanatopraxie et méthodes diffèrent. « La culture du regroupement familial autour de l’exposition du corps est très nord-américaine ». La crémation est plus plébiscitée qu’en Europe, et surtout, il faut gérer quelques contraintes liées au climat (on vous en parlait ici). Patrice Chavegros garde aussi des liens professionnels avec la France, un réseau utile pour les rapatriements et expatriements de défunts vers l’Europe et le monde entier, une autre spécialité de Magnus Poirier.
Dernier conseil pour ceux qui veulent se lancer dans cette carrière atypique : être passionné, ne pas compter ses heures, car « on ne décède pas de 9 à 5 ». La mort n’attend pas, comme titrait Peter James.