Dans le cadre de la campagne des législatives anticipées, French Morning a interviewé les candidats (ceux qui ont accepté d’échanger de vive voix, pas par écrit) en Amérique du Nord. Le premier tour du scrutin commencera le mardi 25 juin (midi, heure de Paris) en ligne, et se tiendra le samedi 29 juin dans les bureaux de vote (le 30 juin en France).
Leur ticket, Oussama Laraichi et Morgane Rolland le présentent comme la continuité logique des législatives de 2022. Il était le suppléant écologiste de la candidate NUPES Florence Roger, elle était la référente socialiste de la campagne. Leurs noms ont fait consensus au sein de leurs familles politiques respectives, assurent-ils. Et s’ils n’ont pas de colistier insoumis pour ces élections (il n’y a que deux places), la gauche est « très soudée » en Amérique du Nord, tiennent-ils d’emblée à préciser lors d’un zoom commun. « Catherine Benoit (NDLR la déléguée de LFI à New York et candidate suppléante aux législatives de 2017) fait partie intégrante de l’équipe de campagne », souligne Oussama Laraichi, pour dissiper tout doute sur la solidité du Nouveau Front Populaire (NFP). « L’union de la gauche, on n’a pas attendu qu’elle se fasse au niveau national pour la faire localement. »
Pas d’alliance de façade donc pour proposer une alternative à l’électorat français d’Amérique du Nord après la décision qu’ils jugent « irresponsable » de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. « Pas besoin d’avoir fait l’ENA comme Monsieur Macron pour comprendre le risque que ça représentait de faire une dissolution tout de suite » après les élections européennes, s’exaspère le candidat de 36 ans. Monsieur Lescure n’a pas pris la gravité de la situation politique en France. Si aujourd’hui on a l’extrême droite aux portes du pouvoir, c’est une responsabilité collective de la majorité dont il fait partie. Un mea culpa aurait été de circonstance », dénonce-t-il. « On en a marre, on veut le changement », renchérit Morgane Rolland, rappelant que les socialistes avaient appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour du scrutin présidentiel de 2022, pour faire barrage à l’extrême droite.
Les colistiers revendiquent un ancrage stable dans la circonscription. Né au Maroc, arrivé en France à l’âge de 15 ans, Oussama Laraichi a trouvé sa famille politique dans l’écologie politique théorisée par André Gorz, Hannah Arendt ou encore Jacques Ellul. Et c’est « naturellement », dit-il, qu’il a rejoint Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), notamment lors de la campagne d’Eva Joly à la présidentielle de 2012. Deux ans plus tard, le militant est venu poursuivre ses études aux États-Unis et s’est aussitôt engagé au niveau local. Il est devenu depuis Président EELV Hors de France et conseiller des Français de l’étranger du Midwest et Kentucky, sa circonscription, celle de Chicago où il vit avec sa famille et travaille comme ingénieur en analyse de données. Quant à Morgane Rolland, elle vit aux États-Unis depuis vingt ans dont quatorze à Washington. C’est dans la capitale américaine, où elle exerce son métier de virologue à l’hôpital militaire américain Walter Reed, qu’elle a s’est engagée au Parti socialiste. Lors de la campagne présidentielle de 2012, se souvient-elle, pour « éviter à tout prix un second mandat de Nicolas Sarkozy ».
Leurs propositions pour la circonscription d’Amérique du Nord se veulent une déclinaison de celles du projet national du NPF, avec l’accent porté sur les services consulaires -leur donner plus de moyens-, et l’éducation -renflouer notamment l’enveloppe des bourses scolaires. Père de deux jeunes enfants scolarisés au Lycée Français de Chicago, Oussama Laraichi veut généraliser les écoles de type FLAM après en avoir créer une à Cleveland, dans l’Ohio (La Petite École Française). Mais sa priorité, dit-il, est de donner un véritable statut aux Français de l’étranger au sein de la Constitution, sous la VIe République, pilier du programme de la gauche.
Même s’ils assurent vouloir faire une campagne « positive », Oussama Laraichi et Morgane Rolland dénoncent l’image d’une gauche radicale pointée par le député sortant. « Morgane et moi sommes très modérés. Toute accusation d’extrême gauche est non-factuelle » affirme le candidat. Oussama Laraichi dit attendre du neuf dans le programme de Roland Lescure, qui selon lui, propose « des paraphrases des propositions d’il y a sept ans ». Comme la dématérialisation des activités consulaires, fer de lance du programme de la première campagne du candidat Ensemble !. « On n’y est pas encore, insiste l’écologiste de Chicago. Aujourd’hui dans ma circonscription, des gens font 8 heures de route pour renouveler leur passeport. C’est un mandat et demi exercé en laissant de côté les Françaises et les Français d’Amérique du Nord ».
Le candidat NFP se dit « prêt à aller à Paris dès le 8 juillet » s’il est élu, tout en promettant d’être un député proche de ses compatriotes des États-Unis et du Canada. La percée de la gauche aux dernières européennes et la possibilité de l’arrivée de l’extrême droite à Matignon ont galvanisé les troupes sur le terrain et donné l’espoir au NFP de s’imposer à ces législatives. Il y a deux ans, deux points et demi d’écart seulement séparaient la candidate de la NUPES du député sortant de la majorité présidentielle, arrivé en tête. Mais au second tour, Roland Lescure l’avait finalement remporté face à Florence Roger par 55,6% des voix contre 44,3% dans l’ensemble de la circonscription. « Un vote pour Monsieur Lescure ne changera rien à l’équilibre de l’Assemblée nationale. Seul le vote pour le Nouveau Front Populaire pourrait faire basculer l’équilibre et nous amener au pouvoir, nous la gauche réunie, assure le candidat. Nous sommes le vote utile ».
Qui sera le Premier ou la Première ministre en cas de victoire de la gauche au second tour ? Alors que le sujet fait débat au sein des partis du Nouveau Front Populaire, Oussama Laraichi parle de consensus à trouver. « Le rapport de forces dans cette union n’est plus le même qu’en 2022, il est beaucoup plus équilibré », rappelle l’écologiste qui, en tant que « féministe -héritage de sa mère- et à titre personnel, préfèrerait voir une femme entrer à Matignon.