Des tonneaux de rhum, des paniers de prunes, des sacs d’herbes et de baies fraîches, des litres d’alcool de pommes, de caramel à l’érable, de mélasse, etc. Mais surtout un alambic charentais, un vrai venu de France. Qui l’eût cru ! Un “bouilleur de cru” qui s’affaire jour et nuit, rue Chapleau, à deux pas du Plateau. Originaire d’Alsace et propriétaire de la Distillerie de Montréal, Lilian Wolfelsberger a “baigné” dans l’univers de la distillation depuis son enfance, aux côtés de sa mère. On a testé pour vous, en toute modération.
“Quand je dois faire un alcool, je le vois et je le sens dans ma tête tout de suite. Mon palais est habitué”, explique le “bouilleur de cru” en nous montrant ses étagères remplies de (bonnes) bouteilles et de fioles, tel un alchimiste en quête de la recette parfaite. Ses secrets de fabrication ? Être en forme, de bonne humeur, et pas trop stressé. “J’arrive de bonne heure le matin et je m’amuse dans mon petit laboratoire avec mes tubes à essais”, raconte le fin connaisseur.
Avant d’ouvrir sa distillerie montréalaise et de s’y consacrer à temps plein, c’est devant un tableau et face à des étudiants qu’il avait l’habitude de passer ses journées. “J’ai enseigné la science politique à l’UQAM, ensuite au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu et puis au Collège Ahuntsic. Là je viens de prendre un congé sabbatique pour me consacrer uniquement à ma distillerie”, a confie le Français qui, depuis 5 ans, partage son temps entre ses deux jobs. “On commence à avoir beaucoup de commandes : on vend environ 700 caisses par mois”, lance Lilian Wolfelsberger qui a l’habitude de dormir dans sa distillerie — en témoigne le canapé-lit à l’étage. Sachant qu’il faut compter 12h pour chaque distillation, il n’y a pas de secret. “Si vous visitez une distillerie et que vous n’apercevez pas de lit, c’est mauvais signe !”, confie le Français en riant.
Dans sa distillerie urbaine, Lilian Wolfelsberger confectionne du pastis (à 50°), du rhum (épicé, le préféré des Québécois) mais aussi du gin. “Le gin de Matante de Martin Picard du fameux Pied de Cochon, c’est moi ! Il y a 17 herbes différentes dans le Matante”, confie modestement l’Alsacien, fier d’utiliser des produits du Québec et qui prévoit bientôt de donner des formations à la distillation.
Développer la culture des eaux-de-vie au Québec
Son prochain défi ? Initier les Québécois aux eaux-de-vie. “C’est ce qu’il manque ici ! Alors qu’on a tous les fruits pour faire une bonne eau-de-vie du Québec en plus”, raconte le passionné qui s’est lancé dans la confection d’eaux-de-vie de prunes, pommes, poires, cassis, entre autres. “Souvent, les gens trouvent ça trop fort l’eau-de-vie ! Au Québec, c’est encore la culture du gin qui prédomine. Mais je m’acharne à faire des eaux-de-vie de fruits et à donner le goût aux Québécois”.
D’ici mi-septembre, les travaux en cours à l’étage de sa distillerie devraient être finis. “J’aimerais utiliser cet espace pour instaurer la même tradition que chez Armand Guy à Pontarlier (ndlr : dans le Haut-Doubs en Franche-Comté) : à 17h, c’est l’heure de l’apéro à la distillerie !”, confie celui qui ne manque pas de projets et qui espère pouvoir aussi bientôt terminer son doctorat en cotutelle.
Les 6 et 7 septembre, il participera à la première édition du festival Tribute – Hommage aux spiritueux québécois au Palais des Congrès. “Pour celles et ceux qui veulent découvrir les produits du terroir québécois mis en valeur grâce à une tradition et à un savoir-faire français de plusieurs générations, il faut venir ! C’est une belle manière de nous soutenir aussi”, a confié Lilian Wolfelsberger. C’est un rendez-vous.