Du 12 novembre au 7 décembre, le théâtre de l’Opsis met à l’honneur Les Serpents de Marie N’Diaye, joué pour la première fois au Québec à l’Espace Go. Luce Pelletier, fondatrice du théâtre de l’Opsis et metteure en scène de cette pièce audacieuse, explique pourquoi elle a choisi la dramaturge franco-sénégalaise pour initier son « cycle des territoires féminins ».
C’est une histoire simple qui nous transporte dans un univers inquiétant, où l’on croise ogres et vampires, grâce au style poignant de la dramaturge Marie N’Diaye.
Les serpents se déroule dans un champ de maïs, un 14 juillet en France, « car on entend les feux d’artifice, mais ça aurait pu être ailleurs – il y a des bleds partout », précise Luce Pelletier. Une femme d’âge mur, Madame Diss, a fait la route à travers les longs champs de maïs jusqu’à la maison de son fils pour lui emprunter de l’argent. Mais ce dernier n’a pas l’intention de sortir de la maison, ni de permettre à sa mère d’y pénétrer…
Seuls trois personnages sont sur scène. Madame Driss, et ses deux belles-filles : Nancy (l’ex) et France (l’actuelle, la seule qui peut pénétrer dans la maison). « Trois comédiennes et beaucoup de mots », résume la cofondatrice du Théâtre de l’Opsis.
Celle qui assure la direction artistique et générale de ce lieu culte du théâtre montréalais depuis 1994 a choisi avec soin les interprètes. « Le niveau de langue d’un texte de Marie N’Diaye est exigeant : c’est du français mais pas franchouillard. Il fallait des comédiennes au parler québécois soutenu, pas de joual », explique-t-elle.
L’enseignement du théâtre étant, avec la mise en scène, la deuxième facette de sa passion pour le théâtre, Luce Pelletier met l’accent sur la capacité des comédiennes à « découper le texte ». Elle a naturellement choisi Isabelle Miquelon pour interpréter Madame Driss, la comédienne poursuivant ainsi sa longue collaboration avec le Théâtre de l’Opsis. Catherine Paquin-Béchard, ancienne élève de Luce Pelletier, et Rachel Graton, diplômée de l’Ecole Nationale de Théâtre, lui donneront la réplique.
Pour Luce Pelletier, la force de cette pièce, c’est l’écriture de Marie N’Diaye. « Elle arrive à créer une atmosphère inquiétante grâce aux mots choisis, qui résonnent chez le spectateur. C’est classique, intemporel, ce sont des situations qui passent partout. » Alors, pour coller à l’esprit de l’auteur, Luce Pelletier amène le spectateur dans un univers inspiré des contes de Grimm, avec des dessins d’enfants utilisés dans la scénographie. Ni trop, ni pas assez, la femme de théâtre préfère « les scènes nues », référence à la solitude dans le champ de maïs. La musique, par Catherine Gadouas, transporte dans l’univers cruel et symbolique des contes de fée.
« Marie N’Diaye est assez peu connue au Québec, c’est d’ailleurs la première fois que l’un de ses textes est adapté ici. » Ce n’est donc pas un hasard si Luce Pelletier a choisi cette romancière, récipiendaire – entre autres – des Prix Femina (2001) et Goncourt (2009), pour débuter son Cycles des territoires féminins. « Elle a tout ce que je recherche ! Un regard féministe sur la place des femmes dans la société et la maison… et une écriture qui donne la possibilité d’aller vers d’autres codes théâtraux », explique-t-elle.
Fondé en 1984, la vocation du théâtre de l’Opsis est de réécrire des textes de toutes les époques et de tous les horizons via le regard de créateurs québécois. Et pour permettre une recherche dramaturgique approfondie, la directrice a mis en place des cycles thématiques d’une durée de quatre ans. Ainsi, après les cycles italiens, états-uniens ou scandinaves, Les Serpents débutera le nouveau cycle des « territoires féminins », qui va permettre de (re)découvrir entre six et huit auteures à travers le monde. « Commencer avec Marie N’Diaye, c’était la meilleure manière de montrer que les femmes aussi écrivent de bons textes ! »