Olivia Ruiz aurait pu lui dédier sa chanson, La Femme Chocolat. Les Montréalais connaissent ses restaurants gourmands sans se douter que derrière la réussite de Juliette & Chocolat, se cache une entrepreneuse française. Juliette Brun était encore étudiante lorsqu’elle a eu l’idée de convertir le Québec au chocolat chaud épais. La Française à l’humeur positive communicative – qui vient de publier son premier livre de recettes – est revenue avec nous sur son parcours et les ingrédients de son succès.
Un projet moulé sur les bancs de McGill
“Cela forge la personnalité !“, lance Juliette Brun à propos de son enfance voyageuse, de sa naissance au Brésil jusqu’à son année de terminale en Syrie, en passant par les États-Unis et une année de première dans un lycée parisien où elle subit un “choc des cultures”. Mais c’est à l’université McGill – où la Française suit des études en économie et finance – que l’idée des restaurants Juliette & Chocolat prend forme.
Car sur les bancs de l’université québécoise, Juliette Brun rencontre son futur mari et père de ses cinq enfants, aujourd’hui son associé dans l’entreprise. Au cours de leur dernière année d’études, la Française au parcours international et le Belge élevé aux États-Unis se demandent où ils poseront leurs valises une fois leur diplôme en poche. Dans le contexte de l’après-11 septembre, le Canada semble plus facile ; reste pour Juliette Brun à trouver un projet alléchant.
L’idée des restaurants chatouille le nez de l’étudiante lorsqu’elle constate un manque sur le marché montréalais, plus habitué au bon café qu’au chocolat chaud. “Dans ma famille, nous sommes de grands mangeurs de chocolats“, raconte la Française élevée à “la baguette avec la barre à l’intérieur” pour le goûter et dont la grand-mère “faisait un chocolat chaud exceptionnel“. Rentrée en France le temps d’obtenir ses papiers pour le Canada, Juliette Brun fait la tournée des cafés pour s’imprégner de leurs boissons à l’ancienne, lève ses premiers fonds et se forme en crêperie, pâtisserie et chocolat.
Une usine à Longueuil et 350 employés
Juliette Brun teste ses chocolats épais artisanaux sur les clients de son premier restaurant, ouvert en 2003 sur Saint-Denis. “Le premier jour, les gens disaient : ce n’est pas un chocolat chaud, c’est un pudding !“, se souvient la Française qui a intégré un deuxième chocolat plus clair au menu avant de le retirer quelques années après. “Nous avons éduqué le palais !“, se réjouit l’entrepreneuse.
80% des produits vendus aujourd’hui chez Juliette & Chocolat proviennent de l’usine de l’entreprise, située à Longueuil. Chaque année, les 9 restaurants ouverts dans le Grand Montréal manient pas moins de 60 tonnes de chocolat. À la tête de 350 employés – les “chapeaux rouges” – Juliette Brun soigne ses “invités” avec ses spécialités mêlant influences françaises et nord-américaines. Ses produits chocolatés garnissent également les étals de certaines épiceries.
Son succès, la Française l’attribue au côté réconfortant de sa niche propice au climat québécois et à la qualité de son offre. “Nous avons des produits qu’on ne trouve que chez nous et nous ne gardons que les meilleurs vendeurs“, déclare l’entrepreneuse à propos de son menu sucré et salé. Le fondant, le chocolat chaud à l’ancienne et le brownie fleur de sel en font partie.
Plus de restaurants, un livre de recettes et des conseils
La Française vient de sortir son premier livre de recettes dédié aux brownies, travaille sur des projets de boutiques à Toronto et Ottawa et envisage d’ouvrir ses premières franchises à Québec et en région. Un défi qui pourrait être relevé par des “chapeaux rouges”. “J’ai plusieurs demandes en interne et je trouve cela très excitant, se réjouit l’entrepreneuse. C’est un gage de succès qu’ils voient le potentiel et aient envie de se plonger plus loin dans le projet“.
Ses conseils pour ouvrir un restaurant au Québec ? “Investissez dans le meilleur emplacement que votre budget vous permet d’avoir. Il y a beaucoup de restaurants à Montréal et on peut vite disparaitre dans la masse“, constate la Française qui a vérifié l’attractivité de ses emplacements en “passant des journées à compter les gens qui passent dans la rue“.
La restauratrice formée en finance a par ailleurs pris soin de serrer les cordons de sa bourse au départ. “Je m’étais mis dans mon budget de roulement 8 mois de trésorerie pour m’assurer de ne pas être prise à la gorge si le démarrage prenait du temps et nous avons fait presque tous les travaux nous-mêmes pour économiser au maximum sur les frais d’ouverture“, se souvient-elle.
17 ans plus tard, l’entrepreneuse garde d’ailleurs une gestion prudente. “Le domaine de la restauration est difficile et je vois des commerces ouvrir et fermer autour de nous. Cela me fait toujours mal au coeur (…). Je suis tout le temps proche de mes chiffres“. Une qualité d’anticipation qui fait parfois défaut chez des chefs passionnés par leur cuisine mais moins par leur tiroir-caisse. “Si c’est le cas, prenez un très bon comptable !”, conseille la Française, gourmande en cuisine et sobre en affaires.