Elle est Française, et candidate du Parti conservateur dans la circonscription de Rosemont-la-Petite-Patrie. Rencontre avec Johanna Sarfati, cette avocate spécialisée dans le droit de la famille et l’immigration qui se présente aux élections fédérales canadiennes d’octobre 2019.
« J’avais envie d’un nouveau défi ! ». Et pas des moindres : Johanna Sarfati, avocate et mère de quatre enfants, se lance pour la toute première fois en politique, et directement au niveau fédéral. Elle représentera le Parti conservateur, parti d’opposition, dans la circonscription de Rosemont-La-Petite Patrie, lors des élections du 21 octobre.
Car le challenge est un fil conducteur pour l’avocate arrivée au Québec en 2002, à 25 ans, tout juste après avoir fini son DESS de procédure civile à l’Université Paris V Descartes. Une décision prise avec son mari, suite au deuxième tour de l’élection présidentielle opposant Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, en avril 2001. « Nous avons envie d’un pays stable, économiquement et politiquement, pour fonder notre famille ». Le couple choisit le Québec, pour sa francophonie et vu comme « un pays d’avenir ». Elle dit n’avoir jamais regretté ce choix, mais remet les pieds dans l’Hexagone une fois par an. « La nourriture et l’architecture me manquent un peu », concède-t-elle.
Au début des années 2000, les équivalences entre diplômes étaient moins élaborées, alors la juriste retourne sur les bancs de l’école. « Je me suis réinscrite en Baccalauréat à l’UQAM, pour valider les 60 crédits nécessaires, puis passer le barreau au Québec ». La journée, elle travaille avec son mari dans l’entreprise familiale d’importation de vêtements, et le soir, elle gratte le papier à l’université. Une période intense, qui lui a quand même permis d’avoir « deux de ses quatre enfants ».
Après la naissance de sa première fille en 2004, elle se consacre exclusivement à ses études, jusqu’à prêter serment, en 2005. La cadette naitra en 2006. « Ici en général, un immigrant recommence tout, quelque soit son âge », estime Johanna Sarfati. Si aujourd’hui les avocats français n’ont que la déontologie à repasser pour être autorisés à exercer au Québec, elle ne regrette pas cette période de formation. « Même si le droit civil au Québec est inspiré du Code Napoléon, la procédure, elle, est très différente ». Pour elle, « intégrer le marché québécois » sans être formé à sa réalité en amont pourrait être compliqué.
Après un premier stage de barreau au ministère de l’immigration, elle cherche une collaboration en cabinet. Alors qu’elle est enceinte, l’avocate Armenia Teixeira lui donne l’opportunité de travailler dans son équipe. « Elle venait de s’installer avec deux autres avocates, je me suis intégrée à elles à mon retour de congé maternité. Une chance ! », reconnaît Johanna Sarfati. Bien qu’intégrée au cabinet, elle reste « Maître Sarfati » et privilégie les dossiers portant sur des litiges familiaux, « tout en gardant un peu d’immigration et de civil ».
Après 12 ans de robe (et deux autres enfants – un garçon en 2009, une fille en 2012), l’ambitieuse cherche un nouveau défi : la politique. Une première pour elle, qui fut certes militante (dans les rangs de l’Union des Étudiants Juifs de France – UEJF), mais jamais engagée.
Pourtant, les opportunités sont souvent le fruit de rencontre. « Une avocate avec laquelle je travaillais sur un dossier civil m’a demandé si j’étais intéressée par faire de la politique. Convaincue, j’ai alors rencontré des membres du Parti conservateur, qui m’ont ensuite proposé d’être candidate », explique la quadragénaire. Ainsi, depuis le 27 septembre dernier, elle est nommée candidate aux prochaines élections fédérales canadiennes, dans les rangs du Parti conservateur.
Quant au choix de la circonscription de Rosemont-la-Petite-Patrie, « je voulais une région francophone », explique-t-elle. Elle précise que les élections fédérales ne portent pas sur des enjeux locaux, mais régaliens, comme l’immigration, la défense, la monnaie ou la fiscalité par exemple. « Même s’il y a certaines spécificités au Québec », précise-t-elle, comme l’immigration à double palier, « d’abord du Québec, puis du fédéral ».
« J’ai un intérêt prononcé pour les affaires fédérales car je jongle avec la loi fédérale assez régulièrement », explique cette avocate spécialisée dans le droit de la famille et l’immigration. Citoyenneté, droit international privé, une partie du droit criminel… tout cela relève de l’État, et du domaine de compétences de la femme de loi. « Il y a souvent une confusion entre les niveaux fédéraux et provinciaux », constate-t-elle. « D’expérience, les gens se sentent plus concernés par les problématiques locales, qui ont un impact sur leur vie quotidienne ».
Pourtant, la campagne se fera au niveau national. Mais à ce stade, pas d’actions de terrain pour le moment. Le parti structure encore son programme, et ne communique pas encore dessus. Alors en attendant, les candidats (56 à l’échelle du Québec) suivent pour l’instant des formations, à Ottawa, pour se préparer.
L’avocate se dit confiante. « Les lois, c’est mon métier ». Et considère qu’être francophone représente un « atout ». Plus encore, être de nationalité française ne serait pas problématique, au contraire. « Les candidats représentent bien la diversité du Canada d’aujourd’hui », considère Johanna Sarfati.
Si elle remportait les élections de sa circonscription, le 21 octobre prochain, Johanna Sarfati deviendrait députée de la 43ème Législature du Parlement. « Dans ce cas là, je me consacrerais à ces fonctions, en gardant juste quelques heures par semaine dans une clinique juridique, pour ne pas perdre pied ». Mettre la robe au placard provisoirement, pourquoi pas. Mais la raccrocher, jamais !