Livre et objet de décoration à la fois. Isabella Serey, graphiste, nous raconte comment elle a pu développer le “livre-fleur”. Un projet insolite qui n’aurait pu voir le jour qu’à Montréal.
‘‘C’est un micro-projet qui a énormément de sens pour moi. Être à Montréal m’a permis de mener à bien ce projet qui me trottait dans la tête depuis 25 ans !’’ Le livre-fleur d’Isabella Serey a vu le jour dans le cadre de sa thèse d’école de graphisme à Penninghen, à Paris. ‘‘J’ai essayé de le développer à l’époque, en 1993. Mais sans Internet, tout était beaucoup plus compliqué”, ajoute-t-elle.
Isabella Serey est arrivée à Montréal il y a cinq ans. Cette Parisienne, autrefois responsable de communication digitale chez Lafarge a dû réinventer sa manière de travailler. ‘‘Il a fallu que j’adapte mes attentes à ce que la ville pouvait m’offrir, aux opportunités différentes. Je n’aurais pas trouvé de client de l’envergure de Lafarge ici. Donc le Canada m’a offert l’opportunité de mettre sur pause, et de me réinvestir dans un projet qui me tenait à coeur.’’
Le climat a aussi joué pour beaucoup dans le développement du livre-fleur. ‘‘À cause du climat, nous passons six mois dans une bulle. C’est l’occasion de nous recentrer sur nous-même.’’ Avoir plus de temps pour réfléchir est en effet indispensable au lancement de projets. ‘‘Quelqu’ils soient’’, précise Isabella Serey.
En tournant chaque pétale du livre-fleur, le lecteur ‘‘découvre des univers iconographiques, des histoires, des tableaux qu’il décompose puis recompose à sa guise.’’ Le livre-fleur se base sur les ”Exercices de style”, de Raymond Queneau. Paru en 1947, ce livre singulier raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes. ‘‘C’est pour moi un texte extraordinaire de créativité, d’inventivité, de jeu intellectuel. Queneau joue sur la déconstruction et la reconstruction du texte, cela correspond totalement au style du livre.’’
Dans ce premier livre-fleur, dix extraits sont découpés en quatre parties : la situation du lieu (le bus), la situation du personnage (l’homme), l’action (le heurt) et la conclusion (l’échange). Le lecteur joue à déconstruire et reconstruire de nouvelles histoires en changeant à sa guise une ou plusieurs parties.
Isabella Serey a lancé la vente de son livre-fleur le jour – officiel – du printemps, le 21 mars. ‘‘Une idée logique’’ ! La vente s’est déroulée sur la plateforme collaborative Ulule. ‘‘J’en ai vendu 85. Je n’avais pas vraiment d’attentes, pour ne pas être déçue. Mon ambition, c’est plutôt la concrétisation du projet.” Et ajoute dans un sourire : “mais quand même, la campagne a très bien marché !’’
45 minutes de travail, 98 pièces à assembler : le livre-fleur est aujourd’hui entièrement réalisé artisanalement à Montréal. ‘‘Il a fallu tout repenser. Les matières premières, les techniques d’impression ne sont plus les mêmes. C’est important que je fasse partie de tout le processus de production de A à Z.’’
Pour la suite, Isabella Serey voudrait décliner le livre-fleur avec d’autres illustrateurs, d’autres photographes. ‘‘Magritte se porterait particulièrement bien au style du livre. J’aimerais également en créer un sur l’évolution de la cartographie de Paris’’, conclut-elle.
Vous pourrez bientôt retrouver le livre-fleur à la librairie Gallimard à Montréal. Et, peut-être, à Paris !