C’est en 2011 que Mathieu Lalancette, 37 ans, originaire du Saguenay et riche d’une expérience de 15 ans en télévision, a eu l’idée de faire un documentaire sur les Français de Montréal. En 2016, il a décidé de se lancer et de partir 6 semaines en France pour s’inspirer mais surtout comprendre le “buzz”.
“Partout où j’allais à Paris, j’étais souvent le centre de l’attention notamment à cause de mon accent…”, se souvient Mathieu qui a dû aider certains Français à “s’en remettre” et qui, petit à petit, s’est rendu compte de la puissance du bouche-à-oreille. “Je l’ai vécu en France! Tout le monde connait quelqu’un qui connait quelqu’un qui a vécu ou qui vit à Montréal et qui trouve ça génial. Combien de fois j’ai entendu: “Je suis grave chaud à l’idée d’aller au Canada!””
Chaque année, près de 11 000 étudiants français remplissent les bancs des universités montréalaises, d’autres optent pour le Permis Vacances-Travail dont 20 000 demandes (en moyenne) sont déposées annuellement et dont 7000 (seulement) sont accordées. En 2015, les Français représentaient même le premier bassin d’immigration au Québec selon le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion.
Curieux et animé par l’idée de faire tomber certains clichés sur la communauté française, Mathieu a mis à profit son temps passé en France pour collecter des informations avant de créer son documentaire réalisé conjointement avec Bell Média et diffusé gratuitement à travers le monde sur le site web de TV5 depuis le 14 juillet.
“Qu’est-ce qu’il se passe entre les Français et le Canada? Et avec Montréal en particulier? Pourquoi sont-ils autant attirés?”. Telles sont les questions que le réalisateur québécois s’est posé avant de tourner son documentaire pour lequel il tenait à avoir des témoignages authentiques et bien précis.
“Je voulais l’étudiant.e, le jeune couple arty qui vient d’arriver, un.e Français.e qui est là depuis longtemps, l’entrepreneur, celui/celle qui n’a pas choisi de venir mais qui a suivi sa famille et un.e qui ne s’en sort pas avec ses papiers”, raconte Mathieu qui a réalisé son documentaire en un an –avec l’aide de la productrice Carole Pelka– et qui a parfois eu du mal à trouver des témoignages de Québécois. “Je me souviens que pour le premier vox-pop tourné devant le métro Mont-Royal, je cherchais à interviewer des Québécois et je n’en trouvais pas!”, lance-t-il amusé avant d’ajouter qu’il est fréquent qu’à Montréal “ça parle juste français (de France)” sur Le Plateau mais aussi dans certains autres quartiers.
En tant que réalisateur et avec son point de vue québécois, il a voulu montrer la réalité des faits et pas seulement le bon côté des choses, comme on a l’habitude de le voir. “Dans ma série, il y a des Français qui sont restés plusieurs années sans pouvoir travailler, d’autres qui n’ont pas reçu leur permis Jeunes professionnels comme prévu ou ceux dont les parrainages ont été refusés, etc,” raconte le réalisateur, sensible à la condition de ses cousins français. “Pour certains, leur seul but dans la vie c’est l’obtention de la résidence permanente: tout ce qu’ils veulent c’est devenir Canadien.”
D’après le réalisateur, les Français qui arrivent au Canada depuis une dizaine d’années ne sont plus les mêmes qu’avant. “Avant, ils venaient pour s’amuser, trouver un petit job, maintenant ils quittent la France parce qu’ils n’arrivent pas à trouver un emploi dans leur pays, parce qu’il y a du racisme, de l’homophobie, etc: c’est pour tout ça qu’ils quittent leur pays”, explique celui qui estime que le Français qui débarque à Montréal n’est plus mis sur un piédestal. “Ils ne peuvent plus dire “chez nous, c’est mieux”, parce que ce n’est pas vrai. J’ai l’impression qu’ils sont plus modestes.”
À l’image du journaliste québécois Mario Girard à qui l’on doit ce bel article publié sur La Presse, Mathieu Lalancette a voulu redorer l’image des Français au Québec et s’opposer à une certaine francophobie qui a pu exister. “Avant, il arrivait qu’on entende “maudits Français qui ne donnent pas de tips” ou “esti de Français, retourne chez vous”: moi je voulais en finir avec ça”, confie le réalisateur qui ne supporte pas l’injustice. “Les Français, on ne les épargne pas. Sur quelle autre communauté on se permettrait d’être aussi cassants? Moi, ça m’a toujours dérangé, je me bats sans cesse contre les inégalités alors je suis très content d’avoir été le premier à faire un documentaire sur les Français à Montréal“.
Et maintenant? Mathieu a décidé de lancer sa maison de production et il est déjà en train de travailler sur un deuxième documentaire avec cette même idée en tête: faire tomber les tabous. “Ça va toucher encore à toutes les communautés, à l’image de Montréal qui est très multiculturelle, très ouverte”, confie le jeune homme qui rêverait que son documentaire French PQ se rende en France et qu’il soit projeté lors de certains festivals. “Le but c’est de faire connaitre ce que je fais. Voir ton documentaire sur grand écran mais surtout entendre la réaction des gens dans la salle, c’est magique.”