D’un côté à l’autre de l’Atlantique, les systèmes de santé comportent des différences d’accès. Les nouveaux arrivants peuvent éprouver des difficultés à comprendre les démarches nécessaires à l’obtention de soins de santé au Québec et leur prise en charge par une assurance privée ou par la Régie d’assurance maladie du Québec. Des médecins d’origine française exerçant au Québec partagent leur expertise pour démystifier le système.
L’initiation au système de santé québécois peut s’avérer laborieuse sans information préalable. Tous deux d’origine française, la Dre Aurélia Nguyen Gouez et le Dr Philippe Rohé ont l’expérience d’une pratique des deux côtés de l’Atlantique. Ils partagent leurs perspectives et éléments de réponse pour démystifier l’accès aux soins de santé québécois. Après avoir exercé dans le système public, les deux médecins de famille, aussi appelés omnipraticiens – équivalents aux généralistes en France – se sont tournés vers une pratique au privé. Cela témoigne de leur connaissance approfondie des multiples facettes du système de santé québécois.
En ce qui concerne les soins de santé, il est primordial d’être couvert par une assurance, qu’il s’agisse de la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou d’une assurance privée. Cela permet d’éviter des frais importants et c’est aussi obligatoire. Pour la Dre Aurélia Nguyen Gouez, médecin omnipraticien, ayant exercé en France comme au Québec, la première démarche à effectuer lorsqu’on s’installe au Québec, c’est de s’inscrire à RAMQ, lorsqu’on est éligible. Certains nouveaux arrivants n’ont en effet pas accès à la couverture de la RAMQ, ou doivent effectuer des démarches supplémentaires, notamment ceux qui sont :
La RAMQ prend directement en charge les consultations médicales, explique la Dre Nguyen Gouez. Les services médicaux couverts sont ceux considérés comme étant nécessaires sur le plan médical et fournis par un médecin omnipraticien ou par un spécialiste, peut-on lire sur le site de la RAMQ. Encore faut-il que le médecin consulté soit participant au régime d’assurance maladie. Afin d’en vérifier le statut, une liste des médecins désengagés, dont les prestations ne sont pas prises en charge par la RAMQ, existe en ligne. Du côté français, la Sécurité sociale rembourse 76,8% des dépenses de santé, ce à quoi s’ajoute la prise en charge des assurances maladie complémentaires.
Les médicaments ne sont couverts que pour les personnes « établies au Québec de façon permanente » et n’ayant pas accès à un régime privé.
En revanche, contrairement à la France, les soins dentaires ne sont pas couverts au Québec par la RAMQ et peuvent même s’avérer significativement plus importants qu’en France. Certains soins dentaires font exception et sont couverts pour les enfants de moins de 10 ans, de même que certains services de chirurgie buccale, tels que l’ablation d’un kyste. Dernièrement, le gouvernement fédéral a en outre mis sur pied le régime canadien de soins dentaires (RCSD) élargi progressivement à certaines tranches de la population et qui rembourse une partie des frais engagés.
Pour être admissible, il faut répondre à quatre critères : ne pas avoir d’assurance dentaire privée, avoir rempli sa déclaration d’impôt au Canada, toucher un revenu familial net rajusté de moins de 90 000 $ et être résident canadien aux fins d’impôts. Pour le moment, seules les personnes âgées de 65 ans et plus, les enfants de moins de 18 ans et les adultes avec un certificat fédéral valide de Crédit d’impôt pour personnes handicapées sont admissibles.
Dès l’obtention d’une prise en charge par la RAMQ, il est judicieux de s’inscrire sur liste d’attente en vue d’obtenir un médecin de famille. Plusieurs années peuvent en effet s’écouler avant de se voir attribuer un médecin de famille, explique le Dr Rohé. Le Collège des Médecins du Québec dénombre ainsi près 2 millions de patients dits orphelins, donc sans médecin de famille.
Il existe une certaine difficulté à « entrer dans le système », estime le Dr Rohé. D’autant plus que les consultations en spécialité passent obligatoirement par l’un des 10 526 médecins de famille de la province. Il encourage néanmoins les patients à ne pas se laisser décourager et à consulter en cas de problème aigu.
Il ne faut pas hésiter à demander soi-même aux médecins, à tout hasard, s’ils acceptent de prendre en charge de nouveaux patients.
Les patients orphelins couverts par la RAMQ qui souhaitent consulter un médecin peuvent contacter le Guichet d’accès à la première ligne (GAP) en appelant 811, option 3 pour être rappelés et ainsi obtenir un rendez-vous. Par ailleurs, les cliniques sans rendez-vous, gratuites ou payantes, sont une option pour accéder aux services d’un médecin « le jour même ou dans les jours suivants », promet-on sur le site du gouvernement.
Les personnes non couvertes par la RAMQ peuvent quant à elles se tourner vers les cliniques privées. Elles devront alors payer le prix de la consultation avant de se faire rembourser par leur assurance privée.
En raison de l’accès parfois laborieux à un médecin de famille, certains patients sont tentés de se rendre aux urgences, ce que déconseille la Dre Nguyen Gouez. « Si ce n’est pas une urgence », il faut ne faut pas s’y rendre. Un patient sans RAMQ ni assurance privée devra débourser plus de 1 000 $ pour y être admis, et ce, sans compter les éventuels tests diagnostiques ou hospitalisations. En plus d’engorger le système, le temps d’attente aux urgences peut être très long, ajoute-t-elle. Actuellement, le temps d’attente pour voir un médecin dans un hôpital à Montréal est d’environ 10 heures.
Pour parer au manque d’accessibilité, certains actes médicaux sont délégués à d’autres professionnels de la santé, comme les pharmaciens, infirmières, ou infirmières professionnelles spécialisées (IPS). Cette pratique, bien implantée au Québec, est moins présente en France, estime le Dr Rohé. Les pharmaciens peuvent par exemple initier une contraception ou reconduire la prescription de certains médicaments pour une période déterminée. Un pharmacien peut également prescrire de la médication en cas d’infection urinaire, précise le Dr Rohé. Quant aux infirmières, elles sont par exemple formées à effectuer des frottis (Pap test) et peuvent également effectuer certains suivis auprès de patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou en endocrinologie en hôpital universitaire. « Cela permet de réduire le temps d’attente et les coûts », conclut-il.