Le destin d’Erica Perrot n’était pas cousu de fil blanc. Lorsque la Jurassienne s’installe à Montréal avec son compagnon, c’est pour étudier en design de mode afin de compléter sa formation en théâtre et arts appliqués. Mais devenue maman quelques années plus tard, elle confectionne des jouets en tissu pour ses enfants et, de fil en aiguille, donne vie à une multitude de petits personnages colorés fabriqués localement et réparables : les Raplapla. Portrait d’une entrepreneuse créative et engagée.
Du chômage aux doudous
C’est à l’école primaire en Suisse puis à l’adolescence en Franche-Comté, lorsque sa mère rapporte une machine à coudre à la maison, qu’Erica Perrot se familiarise avec la couture. “On était à la campagne dans un Jura très pluvieux, sans télé et rien à faire pendant les dimanches d’hiver !“, raconte la créatrice.
Lorsqu’elle devient maman de deux petites filles à Montréal, la Française ne se retrouve pas dans l’offre de jouets et fabrique des livres en tissu. “On trouvait surtout des peluches fabriquées en Chine ou alors des jouets alternatifs, drôles ou impertinents mais ni sécuritaires ni lavables, donc plutôt faits pour des adultes collectionneurs“, se rappelle la Française aux doigts de fée. Après avoir travaillé comme costumière, elle occupe un poste d’intervenante en santé mentale pour aider à la réinsertion à travers les métiers d’art, mais celui-ci est supprimé. Elle décide alors d’utiliser son bas de laine et ses allocations chômage pour lancer Raplapla.
Eglantine, le premier personnage aux grand yeux et au large sourire dans un mélange de couleurs et textures, naît en 2005. S’ensuivent au fil des années une gamme de produits variés incluant poupées en tissu, peluches animaux, bouillottes de grains, chandails en coton ouaté et petits objets tous doux. Il y a aussi les soeurs tutus, poupées jumelles vendues par deux dont l’une est remise à un enfant à l’hôpital ou une cause qui tient au coeur de la famille Raplapla. Depuis peu, un nouvel éléphant pointe aussi le bout de sa trompe.
Lorsqu’on lui demande quelle est la star plébiscitée par les petits, la Française nous présente sans hésiter Monsieur Tsé-Tsé, poupée de chiffon en tricot de coton bio toute simple conçue selon un patron ingénieux ne générant pas de pertes de tissus. “Le zéro déchet n’était pas à la mode lorsque j’ai créé ce modèle il y a onze ans“, lance la précurseuse. Car l’entrepreneuse s’engage depuis le début pour une production responsable.
Une fabrication locale et non stéréotypée
Les Raplapla ont toujours été fabriqués dans la région de Montréal et les tissus sont achetés à des fournisseurs locaux. Une production éco-responsable qui touche la nouvelle génération de parents au Québec. “D’année en année, je vois la différence. Nous avons une clientèle très jeune : beaucoup ont entre vingt et trente ans. Ils sont très conscients des enjeux et font des choix de consommation“, commente la Jurassienne.
Lorsqu’elle a lancé ses premiers doudous, Erica Perrot recyclait même des retailles de tissus de designers. Un procédé qu’elle n’utilise maintenant que pour une partie de sa production. “Cela coûte une fortune de réutiliser ces matériaux. Cela prend beaucoup de temps il faut les prendre un par un, les couper, les trier“, explique la créatrice.
Côté couleurs, pas de choix stéréotypés chez Raplapla. Du vif, des rayures, des motifs chamarrés ou de l’uni : on trouve de tout et du violet à l’orange, on peut passer par le bleu ou le rose pour filles comme pour garçons. “J’aime faire des héroïnes tout en noir et je mets parfois du rose ou du fleuri pour les petits garçons, mais je sais que je vais en vendre moins, lance Erica Perrot. Il y a une différence quand ce sont les enfants qui choisissent : par exemple nous avons une poupée mauve souvent choisie par les petits garçons !“.
Allo maman bobo : l’hôpital pour personnes en tissu
A l’entrée de la boutique, quelques doudous se reposent à l’unité de soins intensifs : l’hôpital des Raplapla. “Il est venu presque malgré moi, il y a cinq ans, raconte l’entrepreneuse. Lorsque j’ai commencé, j’ai indiqué aux clients qu’il y avait une garantie sur les Raplapla et toutes sortes d’histoires sont arrivées : le chien qui a mangé un Raplapla, la voiture qui a roulé dessus, etc. Au bout d’un moment, les gens ont amené aussi d’autres produits de qualité différente, fabriqués en Chine… Sur le coup, j’étais presque insultée de devoir les réparer mais il y avait une forte demande et la détresse des enfants…”, explique la Française engagée dans une démarche de durabilité.
Aujourd’hui, l’hôpital accueille de nouveaux “patients” chaque jour, dont certains viennent de loin. “J’ai eu un appel de Toronto ce matin“, nous raconte la créatrice qui emploie désormais une “chirurgienne pour personnes en tissu”.
Une équipe qui s’étoffe
Avec ses jouets en tissu lavables, durables et réalisés dans de belles matières que les enfants peuvent traîner partout, Erica Perrot a trouvé une niche qui fonctionne. Après avoir démarré dans sa cuisine, la Française a ouvert sa jolie boutique sur le Plateau en 2009. Elle représente aujourd’hui la moitié des ventes de Raplapla, l’autre moitié étant vendue dans d’autres commerces et boutiques de musées.
Patronne d’une équipe de cinq personnes (incluant Lili, sa fille aînée), la Française cherche un ou une responsable vente et communication à compter du mois de septembre. “Il y a plein de choses à faire. Nous sommes une chouette petite équipe avec une bonne dynamique et une belle qualité de vie“, souligne la créatrice. Et si vous rejoigniez la famille des Raplapla ?