Une réplique miniature d’une 2CV sur son bureau, une autre grandeur nature dans son sous-sol et quelques poules dans son jardin : nous sommes bien chez Didier Farré, cet humble personnage, amant du 7e art. On l’a interviewé avant qu’il nous emmène découvrir les délices de Croissant Monkland, sa boulangerie préférée (on comprend maintenant pourquoi). Interview savoureuse et croustillante.
Cela fait plus de 20 ans que ça dure. “J’ai d’abord commencé avec La Nuit des cinéphiles en 1998 pour voir s’il y avait un intérêt dans la région et si les gens étaient intéressés à voir autre chose que du cinéma américain”, nous raconte Didier Farré, le papa français du Festival du film de l’Outaouais (FFO). “Ça a été un succès ! J’avais montré 23 films en un jour et une nuit de projection non-stop : les cinéphiles m’ont rapidement demandé d’en faire un festival”. Voilà comment est né le FFO dont le succès est au rendez-vous année après année.
À savoir si Cinemania serait un éventuel concurrent, la réponse est non. “Je connais cet événement depuis sa création ! Maidy Teitelbaum (NDLR la fondatrice de Cinemania) m’a déjà demandé des films pour son festival”, nous répond celui qui peut se targuer de compter Denys Arcand (entre autres célébrités) parmi ses proches. “J’ai donné des films à plusieurs festivals : à Toronto, Vancouver, Rouyn-Noranda, etc. Et j’ai souvent obtenu des prix grâce aux films que je proposais !”, se souvient Didier Farré, fier de rappeler que “Les Uns et les Autres” est resté à l’affiche deux ans à Montréal lorsqu’il est sorti. “Spielberg avec “Indiana Jones and the Temple of Doom” a tenu 8 semaines à Chicoutimi et moi 13 semaines avec “Les Uns et les Autres” !”. Un exploit. Tout comme “Bagdad Café”, “Nikita” ou “Le Grand Bleu”, tous trois restés un an à l’affiche après leur sortie au Québec.
Fort de ses différents succès, Didier Farré est repéré par le Festival de cinéma de la ville de Québec qui lui demande d’intégrer leur conseil d’administration pour les aider à dénicher des films qui tiennent la route. “Il ne faut pas montrer des films trop pointus sinon ça réduit le bassin de cinéphiles ! (…) Si on ne propose que des films qui n’intéressent personne, c’est sûr qu’on ne va pas durer longtemps”, lance l’expert qui a fait sa vie au Canada après avoir rêvé de l’Angleterre. “Mais il fallait que je sois sujet britannique pour réaliser mon rêve. Et il fallait que j’aille vive 5 ans au Canada ou en Australie pour ça !”
La suite, on la connaît. “Ma passion pour le cinéma ? Je ne sais pas d’où elle vient !”, lance le passionné issu d’une famille de médecins. “J’ai quand même un cousin qui a produit des films de Claude Sautet mais il ne m’a jamais aidé (rires)”, raconte celui qui annonce modestement avoir fait “une apparition ou deux” dans le dernier film de Sergio Leone “Il était une fois en Amérique”.
D’abord plus attiré par la peinture que par le cinéma, Didier Farré avait l’habitude de voir deux ou trois films par jour lorsqu’il vivait à Paris du côté du quartier latin. “Il y avait des salles que j’adorais et des films extraordinaires qui passaient ! À l’époque, le cinéma américain n’avait pas autant la mainmise que maintenant”, raconte le Français, parfois effaré par la bêtise du cinéma américain actuel.
Une programmation qui mise sur l’émotion
Pour la 21e édition de son festival, Didier Farré recommande l’oeuvre de Jocelyn Forgues dont le film “Noël en boîte” sera d’ailleurs proposé lors de la cuvée 2019 du FFO en présence du réalisateur ce 22 mars. “C’est un type formidable : il a mis 11 ans à faire ce film, il faut le voir”. Le pitch : Sophie, une vedette du petit écran américain, découvre peu avant Noël qu’elle a été photographiée dans une situation compromettante. Prétextant une entrevue exclusive en échange des photos, la jeune femme invite le photographe à passer Noël chez sa tante, dans le Nord de l’Ontario. Sophie réussira-t-elle à se réconcilier avec un passé douloureux ? Prenez vos places pour le savoir.
Pourquoi venir au Festival du film de l’Outaouais ? “Parce qu’on montre des films qui ne sont pas du tout ennuyeux ! (rires)”, confie Didier Farré, aussi propriétaire de cinéma. Ses coups de coeur cette année sont multiples, difficile de trancher. “Peut-être “Une affaire de famille”. Le sujet est original ! Mais Luchini est vraiment bon aussi dans “Le mystère Henri Pick”… “Les chatouilles” également, c’est à voir ! Et “Grâce à Dieu”, évidemment”, confie Didier Farré, amoureux de sa programmation, fier de compter François Ozon parmi ses invités cette année.
“Je choisis mes films en fonction de l’émotion qu’ils me procurent”, avoue le Français de Montréal qui n’hésite pas à comparer le cinéma à la musique. “Prince a fait “Purple Rain” dans son sous-sol et ça a été un succès mondial. C’est pareil avec les films, on peut en faire un avec 3,50$ et que ça cartonne…”. Faire la promotion des films qu’il aime, tel est son credo depuis plus de 20 ans. “Ce que je reproche aux distributeurs aujourd’hui c’est qu’ils s’imaginent parfois qu’acheter de la pub dans un journal, faire quelques spots ou une première, ça suffit. C’est faux”. Sa recette du succès ? “Trouver des idées de lancement, intéresser les gens avec des choses qui les touchent”, raconte Didier Farré qui a prévu de faire tirer une bouteille de vin pendant le festival. Mais pas n’importe quel vin (de sa cave) : celui que boit James Bond dans “Casino Royale”. “Il faut continuer à intéresser les gens”, confie celui dont le festival inspire aussi les organisateurs du Festival d’Angoulême, à commencer par Dominique Besnehard (qui sera encore présent cette année).
Interrogé sur sa plus belle réussite en tant que créateur du FFO, sa réponse ne se fait pas attendre. “Avoir montré “Intouchables” à certaines personnes qui, depuis, reviennent chaque année ! Il suffisait d’un déclic”, raconte le cinéphile avant de nous en dire plus sur son dernier projet. “Je suis en train de remettre à neuf ma Citroën Type H (bétaillère), la même que celle utilisée dans “Les Triplettes de Belleville. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire mais ce sera certainement en lien avec le cinéma (…)”. À suivre…