“Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent”, écrivait Antoine de Saint-Exupéry. “Moi j’ai joué à la Barbie jusqu’à 19 ans ! (rires)”, lance Amélie Prot qui fait partie de ces grands enfants qui ne croient plus au Père Noël ni au hasard. Dans sa petite boutique Citrouille rue Bernard Ouest à Outremont, entre des toupies en bois, des petites voitures, quelques Playmobil et un bocal rempli de bonbons, la jeune mère de famille revient sur son aventure familiale aux allures de conte de fées. Pourvu que ça dure.
Fondée en 1999 par un Québécois ingénieur de formation, Citrouille a d’abord grandi du côté de Laurier Ouest avant de germer à Outremont. “J’ai bossé ici en tant que vendeuse pour financer une partie de mes études”, raconte Amélie Prot arrivée à Montréal il y a 3 ans avec son mari (ingénieur) avant de tomber enceinte. “Avant cela, j’ai eu différents jobs dans le milieu culturel, c’était chouette mais je n’ai jamais eu d’emploi fixe dans ce domaine. J’ai trouvé ça dur”, confie la trentenaire avant d’avouer que sa maternité a opéré un vrai déclic chez elle. “En tant que bonne Française, je me disais que j’allais reprendre le travail quand mon fils aurait 3 mois, et que cela ne changerait pas grand chose à ma vie… Mais pas du tout en fait !”, raconte celle qui a eu une “fulgurance” l’année dernière, à mille lieues de ses rêves d’enfant. “Un jour, j’ai eu du mal à me relever de la moquette en mettant mes chaussettes…”, lance honnêtement la jeune femme, alors à deux doigts du burnout selon elle.
Il ne lui en fallait pas plus pour tout remettre à plat et repenser sa vie à Montréal. “J’ai décidé de reprendre mes études en développement personnel, au CQPNL et puis j’ai trouvé ce job chez Citrouille pour assurer mes arrières. Et c’est par une cliente que j’ai appris que la boutique était à vendre…”, se souvient la Française, triste à l’idée que le magasin de jouets ferme définitivement ses portes. D’un commun accord avec son mari, le couple décide de racheter la boutique.
“On n’a pas tellement d’argent mais on veut redresser cette boutique et la faire revivre, donc faisons feu de tout bois !”. À l’intérieur de la Citrouille, c’est la caverne d’Ali Baba : des jouets venus d’Europe (France, Allemagne, Angleterre, Hongrie, etc) même s’il y “aussi des supers jeux et jouets en bois québécois”, concède Amélie Prot, habituée aux critiques. “Mais les jouets européens, c’est l’ADN de cette boutique. Le fait qu’on soit français nous donne aussi une carte à jouer de ce côté-là”, estime la Parisienne qui s’apprête à ouvrir peu à peu ses rayons aux jouets d’ici(te). “J’aimerais proposer de la littérature jeunesse québécoise par exemple, il y a de très jolies choses qui existent”, explique la garante de l’étendard européen, pas puriste pour autant.
“En fait, on est le contraire d’Internet !”
“On ne sera jamais le multi-marques avec plein de plastique : on veut des jouets de qualité !”, annonce la jeune femme qui souhaite que sa boutique reste accessible. “Je ne veux pas en faire une boutique élitiste, on est déjà à Outremont… Étant maman, je sais que c’est un sacré budget d’avoir un enfant”. Son credo ? Proposer des jouets européens de qualité qu’on ne trouverait pas ailleurs. “Par exemple, on vend les fameuses planchettes en bois de Kapla ! On est les seuls à Montréal à avoir ça”, confie fièrement la Française de Montréal, fan de ce jeu de construction qui fait fureur en Europe depuis des décennies.
Sa clientèle cible ? Les familles d’Outremont et du Mile End mais aussi les grands-parents. “Et tous ceux qui ont envie d’acheter moins mais mieux. Il y en a de plus en plus, je trouve ça très cool ! Je les comprends”, raconte Amélie Prot qui prend le temps de discuter avec ses client·es et de les conseiller. “En fait, on est le contraire d’Internet ! Moi je suis là pour faire de Citrouille un lieu sympa”, lance l’entrepreneuse qui prévoit tout de même de remettre bientôt son site à jour.
Son jouet préféré ? Des marionnettes aux allures de petites poupées venues tout droit d’Hongrie vendues 30$ l’unité (cf sur la photo de Une). “Elles reflètent bien l’esprit de la boutique !”, lance la nouvelle gérante qui trouve la boutique “Comme des enfants” “canon” et “pointue dans son domaine” mais qui estime ne pas jouer sur le même terrain. “Notre vrai gros concurrent c’est Internet ! À cause des prix surtout”, raconte la maman, consciente de la réalité des parents. Le jouet le moins cher de la boutique : une petite toupie à 4,99$. Le plus cher ? Une cuisinière en bois à 300$ environ.
“On n’est pas sûrs qu’il marche notre pari mais ce n’est pas grave. Moi j’ai juste hâte de raconter cette histoire de Citrouille à mon fils, quoiqu’il arrive”, avoue Amélie Prot, un peu émue. “Si un jour, on doit rentrer en France, j’ai envie que Théodore (ndlr, son fils) se rappelle du Québec : j’ai envie d’inscrire une partie de son histoire ici quand bien même je reste très française et que j’aime toujours autant Paris”, lance simplement la Montréalaise d’adoption qui fait mûrir Citrouille à sa manière. En avant les histoires…