Vous avez peut-être été surpris si vous avez acheté des croissants industriels à Montréal. Pourquoi paraissent-ils « goûter » différemment de ceux que l’on trouve en France ? Inutile de battre le beurre plus longtemps, on a mené l’enquête.
Samuel Mocot*, un gérant français d’une grande chaîne de café de Montréal, nous met dans la confidence. « J’importe mes croissants au beurre de France, pour les faire réchauffer, au lieu de les fabriquer ». Pourquoi cette logistique compliquée, et coûteuse ? Selon ce commerçant, il serait « interdit » par une loi fédérale de produire des croissants au beurre, pour des raisons sanitaires. Alors, il confie « contourner cela par l’importation des croissants ». Selon lui, la plupart des chaînes de cafés, et des grandes enseignes, privilégieraient donc la margarine dans la recette. Or, tous les artisans pâtissiers le jurent, un croissant sans beurre, ce n’est pas un croissant. Pas plus que de beurre en broche, dirait l’autre. Alors, légende urbaine, ou pas ?
L’information du commerçant semble erronée. Dans le règlement sur les aliments et drogues (RAD), le terme « croissant » n’est pas explicitement défini. Ce n’est pas un nom normalisé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de norme de composition prescrit par le règlement. Il se pourrait donc que le gérant ait peut-être mal interprété l’interdiction sur les gras partiellement hydrogénés, en vigueur depuis septembre 2018. En effet, le 15 septembre 2017, Santé Canada a publié un avis de modification interdisant l’utilisation des huiles partiellement hydrogénées (HPH) dans les aliments. Mais le beurre n’étant pas une huile partiellement hydrogénée, il n’est donc pas visé par cette réglementation.
Quoi qu’il en soit, Samuel Mocot a raison sur un point : l’utilisation de la margarine. Au Canada, la majorité des croissants vendus (hors ceux produits par les artisans pâtissiers) sont préparés à base de cette émulsion d’eau et d’huile végétale stabilisée, à la place du beurre. Une matière bien meilleur marché, qui permettrait de faire des économies à grande échelle. Surtout lorsqu’on sait que le lait coûte bien plus cher au Québec qu’en France. Certains croissants, comme ceux fabriqués par Pillsbury pour IGA, sont d’ailleurs fabriqués avec un mélange de beurre… et d’huile hydrogénée. Toutes les économies sont bonnes à faire pour mettre du beurre dans les épinards…
Mais, selon Bridor, le « boulanger des professionnels », c’est surtout une « raison d’offre et de demande ». D’ailleurs, l’entreprise réalise des croissants au beurre pour certains de ses clients (Van Houtte et IGA), et à la margarine hydrogénée pour d’autres (pour Costco). Louise Jasmin, la directrice marketing Amérique précise qu’une partie de la clientèle demande expressément des croissants sans beurre. « Avec les régimes végans de plus en plus populaire, nous voulons nous assurer d’avoir un produit de haute qualité à offrir », souligne-t-elle. Finalement, pas de quoi en faire tout un fromage !
Et pour déguster de bons croissants frais (au beurre), rendez-vous aujourd’hui à la Fête du croissant aujourd’hui !
* le prénom a été modifié