En fermant début octobre les salles de restaurants et bars, les gyms, les lieux culturels et autres activités associatives début octobre, le Québec semblait faire preuve de plus de prudence quant à l’épidémie Covid-19 que la France. Mais depuis un reconfinement quasi-total a été annoncé pour un mois de l’autre côté de l’Atlantique.
Depuis le 1er octobre, les bars et salles de restaurants, les cinémas, musées et activités culturelles sont fermées en zone rouge au Québec, et il est interdit de recevoir des personnes chez soi. Depuis le 8 octobre, les mesures se sont durcies avec la fermeture des gyms et l’instauration des protocoles d’urgence dans les établissements scolaires. En France, c’est une autre logique qui prévaut : dans les métropoles les plus touchées par la pandémie, un couvre-feu a d’abord été imposé dans certains départements, mais un déjeuner avec des amis restait toujours possible… jusqu’au 30 octobre. Désormais, c’est reconfinement jusqu’au 1er décembre. Comme au printemps, sauf que les écoles restent ouvertes.
Pour Roxane Borgès Da Silva, professeure agrégée à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, « chaque gouvernement réfléchit aux mesures sanitaires en fonction de son contexte culturel et de ses normes sociales : un couvre-feu au Québec, ça semblerait bizarre ». En mars dernier, rappelle-t-elle, les mesures prises au Québec étaient plus incitatives que coercitives, puisque la population a plus tendance à respecter les recommandations en général, contrairement à la France qui a dû imposer un confinement total avec des attestations pour justifier chaque sortie. Des attestations qui seraient superflues au Québec, car culturellement, les règles y sont plus respectées. “Les Québécois font preuve d’une plus grande adhérence aux recommandations de santé publique, et sont plus respectueux des règles en général. Pensez aux charriots d‘épicerie : en France, on a eu besoin d’imposer de glisser une pièce pour que les gens les rendent, au Québec, ça allait de soit!”
La résilience de la population peut aussi s’expliquer par un respect des figures de l’autorité historiquement au Québec. « L’Église a eu une influence majeure au Québec jusqu’à la Révolution tranquille dans les années 1960. Le curé et le médecin étaient des figures très respectées dans la hiérarchie sociale, même encore aujourd’hui ».
Une distanciation sociale plus facile à mettre en oeuvre
Au Québec, depuis le moi de mars, la distanciation physique exigée est de 2 mètres entre chaque personne, et les Québécois ont “plutôt bien respecté ces mesures incitatives“, précise Roxane Borgès Da Silva. La taille des trottoirs, parc, et lieux publics “à l’américaine” facilitent la mise en place des mesures sanitaires, ainsi que la plus faible densité de population. En France, on ne parlait que d’un mètre, mais le port du masque a été rapidement exigé dans l’espace public. Un masque qui s’enlève souvent, se porte à l’oreille…”Quand je suis rentrée en France cet été, j’ai été étonnée de voir que personne ne respectait vraiment les règles”, raconte Julie, étudiante. “On se claquait la bise, on était assis à 30 cm… puis on met le masque dans la rue“. Roxane Borgès Da Silva s’étonne de voir que les regroupements, notamment universitaires, aient été longtemps maintenus en France (même masqués et avec un mètre de distance). “Au Québec, ça aurait été inconcevable, c’était tout en ligne dès le départ !”. Le climat aurait aussi son rôle à jouer… “De toute façon, avec six mois d’hiver, les Québécois sont habitués à rester chez eux“, plaisante Sophie, ingénieure. “Leurs intérieurs sont plus grands que les appartements parisiens, plus cosy…“.
Face à la deuxième vague de l’épidémie, le Québec a en effet adopté des mesures préventives plus rapidement que la France, notamment via un code couleur et le défi des « 28 jours sans contact ». Derrière l’aspect ludique, « la priorité, c’est préserver le système de santé québécois, et aussi préserver l’éducation en évitant à tout prix un confinement total », précise la professeure, d’origine française. Un système de soin qui serait structurellement « en tension » depuis les vingt dernières années. Suite aux différentes réformes (2003, 2005, et surtout 2015), les établissements de santé ont fusionné en « monstres bureaucratiques » centralisant la gouvernance, avec des technologies mal intégrées dans le système de soins. « L’information circule mal : on annonce encore le nombre de cas par fax ! ». Surtout, il y a une « forte pénurie de ressources humaines dans le système de soins », précise Roxane Borgès Da Silva. Le cas des infirmières est révélateur de problème structurels de longue date : « 50% des infirmières sont à temps partiels, à cause des mesures sur le Temps Supplémentaire Obligatoire ».
Face à un système de santé structurellement fragile, avec l’impossibilité de transférer des malades d’un pôle à un autre (contrairement à la France), les restrictions sanitaires au Québec ont été prises plus en amont, limitant la hausse exponentielle du nombre de malades Covid-19 que l’on observe actuellement en France.