Comment faire de la technologie un vecteur artistique ? C’est une question qui a toujours intéressé Justine Emard. Après l’école des Beaux-Arts, elle décide de se rendre au Japon pour y mener plusieurs expériences et expositions. Avec Co(AI)xistence (2017), elle signe une œuvre à la fois technologique, poétique et visuelle. Retrouvez l’installation vidéo à la cinémathèque de Montréal pour le festival ELEKTRA à partir du 11 juin. Rencontre connectée.
Deux personnages, deux intelligences. Le premier est le danseur japonais Mirai Moriyama. Le second se nomme Alter, c’est un robot à forme humanoïde animé par une intelligence artificielle. Grâce à la danse, Alter et Mirai Moriyama vont communiquer : ‘‘ils ne se comprennent pas, mais peuvent coexister’’, explique Justine Emard. Avant d’ajouter que dans cette chorégraphie, humain et intelligence artificielle sont ‘‘placés au même niveau’’.
Dotés d’intelligences différentes, l’homme et le robot dialoguent à travers les signaux de leurs langages respectifs, tant corporel que verbal. ‘‘Alter apprend de sa rencontre avec le danseur.’’ L’apparence minimale du robot permet ‘‘une projection émotionnelle du spectateur’’, estime l’artiste. A travers cette expérience partagée, l’humain et le robot ‘‘tentent de définir de nouvelles perspectives de coexistence dans le monde’’.
Selon Justine Emard, le rôle de l’artiste est de donner une version ‘‘plus poétisée’’ du monde contemporain. La vision de l’artiste devrait donc évoluer avec la société qui l’entoure. ‘‘Je pense qu’il y a un grand fantasme de nos jours autour de l’IA’’, détaille-t-elle. Travailler avec des scientifiques reconnus pour mettre en place l’installation vidéo permettrait donc de délivrer un raisonnement plus précis, de meilleurs éléments de réponse au spectateur.
Fascinée par les robots autonomes, capables de réagir et de s’adapter à un environnement, Justine Emard a voulu monter Co(AI)xistence comme une expérience scientifique. Pour elle, les robots ne sont pas seulement là pour ‘‘accomplir des tâches prédéfinies’’, mais leur existence même est ‘‘précieuse’’. L’art pourrait ainsi apporter une vision différente et une meilleure compréhension de nos relations avec l’intelligence artificielle et la technologie.
‘‘Il faut rester ouvert à ce qu’on ne connaît pas, ce qu’on ne comprend pas.’’ Tel est le message que Justine Emard veut faire passer avec l’installation Co(AI)xistence. Pour l’artiste, Alter et l’IA sont des ‘‘miroirs de nous-mêmes”.
Aujourd’hui, Alter est cassé et ne pourra plus être utilisé. ‘‘Le système du robot n’était pas fait pour supporter l’expérience’’, détaille l’artiste. Mais cette ‘‘mort’’, s’inscrit dans le processus de science expérimentale et de l’idée de renaissance, très forte au Japon. ‘‘La beauté de l’éphémère et la réincarnation’’ sont deux thèmes sous-jacents à l’expérience.
Pour la suite, Justine Emard va continuer de travailler sur les différentes formes de l’intelligence artificielle. Sa nouvelle installation vidéo ‘‘Osmosys’’, mettra notamment en scène un moine bouddhiste et un robot incarnant la déesse de la miséricorde Kwannon.