Une surprise. Christopher Weissberg sait qu’on ne va pas forcément le croire, mais il l’assure : malgré les rumeurs récurrentes qui l’ont donné maintes fois ministre, Roland Lescure ne s’attendait pas à être nommé dans le nouveau gouvernement Borne et lui, de fait, à devenir député. « Les gens ont l’impression que tout est écrit (en politique), alors qu’en fait, rien n’est écrit du tout. » Il rappelle volontiers que personne ne s’attendait avec certitude à ce que la majorité présidentielle soit minoritaire à l’Assemblée nationale et que ses piliers, comme Richard Ferrand au perchoir, soient battus aux législatives. « Il n’y avait pas de scénario écrit “je le prends comme suppléant, il sera député et moi je serai ministre. Le pouvoir ne marche pas comme ça. »
Pas un hasard malgré tout si ce Franco-Américain de 36 ans a été choisi comme suppléant après son passage au cabinet de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé du Tourisme, des Français de l’étranger et de la Francophonie et devenu ministre en décembre 2021 avec l’attribution en plus du portefeuille des PME. « Roland (Lescure) savait que j’avais l’expérience pour faire le job tout de suite et que je pourrai le faire bien. » Christopher Weissberg a passé un peu plus d’un an et demi au Quai d’Orsay, après avoir été le conseiller politique de Roland Lescure à la présidence de la commission des Affaires économiques au Palais Bourbon. Ce n’est d’ailleurs pas sa seule expérience en cabinet, ayant dirigé, entre ses 27 et 29 ans, celui de la vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France.
Christopher Weissberg compte être un député de terrain, « accessible à tous les Français » installés aux États-Unis et au Canada. Il évoque souvent le pays voisin nord-américain qu’il connaît bien. Il a fait ses études au Québec, diplômé de l’Université de Montréal en Sciences politiques et Gouvernement et d’un master en droit de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. C’est encore au Canada qu’il s’est frotté aux journalistes, nommé en 2016 conseiller Communication et Relation presse aux Offices jeunesse internationaux du Québec, avant de diriger la campagne de Roland Lescure l’année suivante. Il a le contact facile avec la presse, et entend bien l’avoir auprès de ses compatriotes.
Dès le mois prochain, j'irai à la rencontre des Françaises et des Français d'Amérique du Nord et je compte bien mettre toute mon énergie à leur service! https://t.co/FYQeQhgWvj
— Christopher Weissberg (@christomtblanc) July 4, 2022
Rencontrer des Français dans des villes comme San Diego ou Springfield dans l’Illinois – exemples qu’il donne – est une priorité pour le nouveau député. Divorcé et père d’une petite fille de 6 ans domiciliée à Paris, Christopher Weissberg prévoit de partager son temps, à part égale, entre la France – l’Assemblée nationale – et les États-Unis. « Ma fille est avec moi une semaine sur deux », précise-t-il. Ses responsabilités parentales devraient donc rythmer son emploi du temps.
Les critiques à l’encontre de son prédécesseur – pas assez présent dans la circonscription -, exprimées dans les urnes lors des législatives le mois dernier, ont été entendues, assure le nouveau député. À lui de trouver l’équilibre entre les bancs de l’Assemblée nationale à Paris, là où s’effectuent les arbitrages politiques, et les rencontres de terrain dans la circonscription d’Amérique du Nord. « Évidemment, c’est plus dur d’avoir de la proximité quand on est député des Français de l’étranger que lorsqu’on est élu député de la Nièvre et qu’on a juste trois heures de route à faire pour aller dans sa circo. »
Christopher Weissberg voit son travail de député comme celui d’un « documentariste » : aller voir et écouter des Français qu’on a peu ou pas l’habitude d’entendre – « ça fait partie de mes obsessions » dit-il -, des Français installés de longue date aux États-Unis, en dehors des grandes villes comme New York et Montréal. « Pendant la campagne, nous sommes allés à Buffalo (au nord de l’État de New York). On y a trouvé 60 Français, une communauté hyper intéressante, avec une valeur ajoutée énorme pour la France. Des gens qui ont des boîtes, loin des cœurs habituels, qui ont une influence très importante et qui apportent beaucoup. Ces gens, on ne les voit jamais. »
Christopher Weissberg a deux autres priorités en tête : développer le réseau Flam pour tous ceux qui n’ont pas accès aux Lycées français – géographiquement ou financièrement – et poursuivre la modernisation des services consulaires, son autre « obsession » de début de mandat, en tentant notamment d’obtenir davantage de moyens. Dans ses cartons également, la création d’une nouvelle association des Français de l’étranger, plus proche de la majorité présidentielle. Une alternative, semble-il proposer, aux Français du Monde – réputée à gauche – et à l’Union des Français de l’étranger (UFE) – association ancrée à droite. Engagé très tôt derrière Emmanuel Macron, Christopher Weissberg a fondé le mouvement En Marche à Montréal. « J’étais son premier adhérent », aime à souligner Roland Lescure.
En attendant de devenir officiellement député le jeudi 4 août prochain, soit un mois après la nomination de Roland Lescure à Bercy selon la procédure officielle, Christopher Weissberg fêtera le 14 juillet à Saranac Lake, dans les Adirondacks. Les terres héritées de son grand-père, Juif new-yorkais installé dans cette région du nord de l’État après avoir vécu plusieurs années en France. Le jeune député, guitariste de jazz à ses heures perdues, jouera dans le restaurant français qu’il y a créé il y a douze ans, Left Bank Café, et y chantera la Marseillaise. Rien ne vaut un Bastille Day pour entamer une tournée dans sa nouvelle circonscription.