Ils travaillent dans l’hôtellerie ou la restauration et ont dû fermer de longues semaines. Un coup dur pour leur entreprise. Avec la fermeture des frontières aux touristes étrangers – appelée à durer d’après la dernière déclaration de Justin Trudeau – ils se préparent à accueillir une clientèle locale cet été. Mais les Québécois (de souche ou d’adoption) seront-ils au rendez-vous ?
Des reports en rafale
Au Gîte du Maudit Français de Pierreville près de Trois-Rivières, toutes les réservations prises jusqu’au 30 juillet ont été reportées d’un an, voire deux. “Notre clientèle est composée d’au moins 85% d’Européens car les Québécois sont moins attirés par notre région, explique le propriétaire Serge Rostang. Les gens qui ont des gîtes dans des régions très touristiques devraient arriver à s’en sortir mais nous, nous avons dès le départ ciblé l’Europe”.
Grâce à l’aide du gouvernement, l’hôtelier prévoit de passer à travers la crise. “Nous allons faire le dos rond. Quand nous avons commencé nous n’avions rien !”, se souvient le Français originaire du Vaucluse qui espère le retour de sa clientèle en septembre. En attendant, le carnet de réservations se remplit pour l’hiver prochain et Serge Rostang s’active sur internet pour faire rouler son gîte pendant l’été. “Nous sommes sur la route des vélos, donc je me suis mis sur les sites de cyclisme pour nous faire connaître. Grâce à ce travail, j’ai eu beaucoup de demandes de renseignements”, déclare l’hôtelier qui propose par ailleurs des balades en kayak “pour faire tourner la poêle à la fin du mois”.
Accueillir une clientèle locale
“Le port des masques et des visières est difficile à supporter et ça nous met un stress en plus”, avoue Sébastien Birot, le patron du Café du Quai à l’Anse-Saint-Jean qui a dû réduire de moitié les emplacements de son restaurant. La vue magnifique sur le fjord de Saguenay attire d’habitude beaucoup de touristes français, mais le restaurateur est confiant. “Cela va redistribuer les cartes. Les Québécois vont se réapproprier leur région et nous comptons sur eux, confie le Breton. Le chiffre d’affaires va baisser, mais ce sera peut être un été normal car avant, c’était indécent à quel point on travaillait. Nous le vivons de manière positive. Cela ne compromet pas l’avenir du café et nous serons capables de passer à travers”, lance l’entrepreneur.
A l’Auberge Cap-aux-Corbeaux de Baie-Saint-Paul dans la région de Charlevoix, Julien et Emilie Médard ont troqué le buffet du petit-déjeuner contre un menu plus restreint depuis le retour des visiteurs, qui a fait grincer quelques dents. “L’arrivée des touristes montréalais n’était pas nécessairement vue d’un bon oeil et cela a donné lieu à quelques tensions parmi les habitants, racontent les hôteliers. Mais notre maire a rappelé qu’une grosse majorité des gens d’ici vit du tourisme et globalement, le message est passé”.
Le couple, habitué à réaliser les trois-quarts de son chiffre d’affaires de juin à octobre avec 80% de clients québécois, doit se montrer patient cette année. “Le caractère anxiogène de la situation fait que les gens s’y prennent plus à la dernière minute. Nous espérons être complets mais nous n’avons pas de garantie comme l’été dernier. C’est cependant encourageant car nous recevons en ce moment entre 10 et 20 réservations par jour”, se réjouissent les Nîmois.
Faire preuve de créativité
La crêperie Du côté de Chez Swann n’a pas attendu la reprise du service en salle pour refaire sauter ses crêpes. “Nous avons vendu des crêpes en cornet pour manger dans la rue pendant deux fins de semaine en juin, raconte la propriétaire Michèle Youinou, qui a aménagé un kiosque avec une crêpière à l’extérieur. Une bonne idée qui reviendra début juillet, même si les tables du restaurant peuvent à nouveau se remplir. De quoi amortir les pertes liées aux nouvelles normes.
“Il ne me reste plus que deux tables à l’intérieur et j’ai moins de places dehors aussi, déplore la restauratrice qui devait déménager pour un local plus grand, mais les travaux ont été retardés par la pandémie. Une perte de chiffre qui s’ajoute à l’annulation des festivals que la crêperie avait l’habitude de régaler. “Peut être qu’avec le kiosque ça va compenser, espère la Bretonne. Il a été beaucoup partagé sur Facebook et les gens disent que cela leur rappelle Paris !”. Un dépaysement sans franchir la frontière.