Arrivé il y a 10 ans au Canada, Cédric Chaperon était chef de projet de l’ONG Regroupement des conseils régionaux en environnement. Sa tâche ? Influencer les décideurs et les politiques publiques dans le domaine de l’énergie et des transports.
Ce fan de vélo, aux valeurs environnementales très ancrées n’était pas fait pour un travail de bureau. En s’inspirant de l’entreprise française Tout en vélo, il décide en 2018 de ‘‘faire un saut dans le vide’’ et de monter La roue libre, un service de ‘‘vélo-gistique urbain’’. À vélo, il effectue des livraisons pour des PME ayant des besoins de distribution. Torréfacteurs, boulangeries, maraichers… Le secteur alimentaire représente ses principaux clients.
Cédric Chaperon a profité du programme Soutien au travail autonome d’Emploi-Québec pour monter son plan d’affaires. Une accompagnement qui, selon lui, a ‘‘fait la différence’’. Loin de devoir se précipiter, il a pu prendre son temps pour bien régler tous les détails techniques de sa nouvelle entreprise.
Se lancer dans l’entrepreneuriat, c’est aussi faire preuve de polyvalence. Comptabilité, communication, réseautage, suivi des clients…‘‘Il faut savoir être capable de tout faire’’, explique-t-il. Une chance pour lui, son ancien job lui avait permis d’être assez touche-à-tout et ainsi de pouvoir s’adapter plus facilement.
Après deux mois de travail avec un artisan soudeur, la première remorque est enfin terminée. Cédric Chaperon monte alors en selle. Devenu papa dans la foulée, son défi a été de ‘‘mettre des limites à sa journée’’. Pas facile de s’occuper de ses ‘‘deux bébés’’ en même temps ! Mais c’est un challenge réussi pour La roue libre, qui connaît un succès croissant.
Le concept de La roue libre offre plusieurs avantages dans un milieu urbain. ‘‘Rapide et écologique, le vélo permet de réduire la pollution sonore, visuelle, de l’air, tout en décongestionnant la ville’’, explique Cédric Chaperon.
Selon une étude de 2017 du Conseil du patronat, le transport des marchandises génère 40% de toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports au Québec. Alors que 10 millions de camions circulent dans les rues de Montréal chaque année, presque la moitié des marchandises transportées ne nécessitent pas l’usage d’un camion. C’est pourquoi il faut ‘‘repenser la logistique en ville’’, estime Cédric Chaperon.
Les externalités négatives du vélo ? ‘‘Quasiment nulles’’ selon l’entrepreneur. D’autant que le vélo serait aussi efficace que le camion. Et il permettrait même de faire des économies ! ‘‘Un vélo, ça peut se faufiler à peu près partout !’’ Plus de problématique des “derniers kilomètres“, qui coûte très cher aux transporteurs. En effet, à cause du trafic, il est souvent difficile pour le camion de rejoindre le point de livraison. Il en résulte une grande perte de temps et d’argent (presque 3 milliards de dollars par an) pour les compagnies de distribution logistique.
À La roue libre, on propose un service de logistique toute l’année. C’est d’ailleurs un des points forts de la start-up. ‘‘Nous sommes les seuls à proposer ce service à l’année’’, explique Cédric Chaperon. Ce premier hiver a donc été pour lui l’occasion de ‘‘tester le matériel’’.
Qu’il pleuve, vente ou neige, Cédric Chaperon sort affronter les conditions hivernales montréalaises. ‘‘Le plus dur, c’est en cas de verglas’’, rit-il. Si les routes sont vraiment impraticables en vélo, La roue libre utilise des Communauto. ‘‘On ne peut pas arrêter de livrer sous prétexte qu’il fait froid’’, conclut Cédric Chaperon.
Depuis janvier 2009, Cédric Chaperon s’est entouré de deux autres personnes et a investi dans un garage sur le Plateau. Ses projets pour la suite ? ‘‘Créer une coopérative de travailleurs’’. Le défi de La roue libre est maintenant de gérer sa croissance d’activité, de personnel et de matériel.
Cédric Chaperon estime que ce sont aux politiques publiques de prendre des mesures pour bannir le camion des villes. Pourquoi pas ‘‘mettre en place un centre de distribution commerciale en périphérie des grandes artères’’, pour assurer les derniers kilomètres avec un véhicule plus petit et moins polluant ? C’est l’idée que l’entrepreneur cherche à développer.
S’il veut d’abord agrandir sa flotte à Montréal avant de se lancer dans d’autres villes, il estime que ce modèle logistique est ‘‘potentiellement reproductible dans n’importe quel centre ville’’. Alors, le vélo serait-il l’avenir de notre service de distribution urbain ? C’est en tout cas le message que Cédric Chaperon veut faire passer.