Comme prévu, François Ozon était bien au Festival du Film de l’Outaouais (FFO) ce 23 mars pour la projection de son film “Grâce à Dieu”. On l’a vu en avant-première après avoir entendu le réalisateur se confier aux médias à l’Ambassade de France d’Ottawa. Morceaux choisis.
“Il y a une très forte réponse sur le film, on sent que les gens se sentent concernés, c’est très émouvant”, a confié le réalisateur dont le film, sorti le 20 février 2019 en France, a déjà été vu par plus de 800 000 spectateurs. “Ce n’est pas un film contre l’Église, c’est un film qui devrait aider l’Église à se transformer (…). Je suis très heureux, j’ai fait un film citoyen qui appelle au débat (…)”, a rapporté François Ozon, conscient qu’il y a une “vraie colère” à avoir contre les institutions en général.
“Dans mon film, il s’agit de l’Eglise mais ça pourrait être le milieu du sport, de l’Éducation nationale ou de la famille : 80% des actes de pédophilie se passent d’abord au sein des familles. Mais ce qui était intéressant avec l’Eglise, c’est de voir qu’elle essaie de se protéger avant de protéger les enfants et c’est ça qui est scandaleux. Puisque le message du Christ c’est de protéger les plus faibles (…). C’est ce que je voulais montrer et dénoncer (…)”.
Il confiait aussi ici vouloir “montrer l’état de sidération des enfants qui sont abusés. (…) Ils sont sous emprise et se jettent dans la gueule du loup sans s’en rendre compte. C’est une fois adultes, qu’ils comprennent l’horreur de la réalité qu’on leur a fait subir.”
“Je suis resté à 98% proche de la réalité”
Son idée de départ ? Parler de la fragilité masculine. “J’ai fait beaucoup de films avec des femmes fortes, là j’avais envie de montrer des hommes en souffrance, brisés dans leur enfance et d’inverser un peu les choses. (…) Un enfant abusé, c’est une bombe à retardement qui touche toute la cellule familiale”, a expliqué François Ozon qui, pour la première fois, a dû réaliser une enquête journalistique. “Je me suis rendu compte que la réalité était une très bonne scénariste. Tout ce que j’apprenais, et qui c’était réellement passé, était tellement incroyable que je n’avais pas besoin de scénariser ou de fictionnaliser : juste raconter les faits était assez révélateur. Je suis resté à 98% proche de la réalité. Il aurait été hypocrite de transformer les choses”, raconte le réalisateur, fier d’avoir pu rendre publique l’intimité des victimes suites à ces agressions mais aussi toutes les répercussions qu’a eu la libération de leur parole sur leur entourage.
“Mon film s’arrête en 2016 mais j’ai déjà la possibilité de faire la suite !”, a confié celui qui prévoit d’abord de faire un film plus léger. “J’en ai besoin”, a conclu François Ozon qui espère que “Grâce à Dieu” ouvrira le débat aux quatre coins du monde. “Au Canada, je sais qu’il y a eu beaucoup de scandales autour des enfants autochtones. Alors j’espère que mon film rencontrera ici aussi un vrai accueil.”
Le film s’inspire de l’affaire du père Preynat, mis en cause pour des actes de pédophilie remontant à 1986 et que le cardinal Barbarin aurait couvert. Avec une affaire toujours en cours devant les tribunaux français, le film a créé une controverse sans précédent et l’avocat du père Preynat a même demandé le report de sa sortie. La justice française a statué et a autorisé sa sortie en France en février dernier.
Le film “Grâce à Dieu” prendra l’affiche le 5 avril partout au Québec.