C’est la première fois qu’un chef de gouvernement canadien était invité à prendre la parole à l’Assemblée nationale française devant l’ensemble des députés (plus ou moins attentifs). Plusieurs fois ovationné, il a livré sans surprise un discours “résolument progressiste” d’une trentaine de minutes parsemé de thèmes clefs : on en a retenu six.
Trudeau (aussi) vient de La Rochelle
Trudeau descend d’un charpentier français de La Rochelle, vous le saviez ? C’est en ces termes que le Premier ministre canadien a entamé son discours dans l’hémicycle, sous le regard amusé du Premier ministre français, Edouard Philippe. “Un Canadien descendu d’un charpentier français de La Rochelle qui, au milieu du 17e siècle, avait quitté sa patrie en quête d’une vie nouvelle sur un continent autrefois dit nouveau. L’histoire d’Étienne Truteau (NDLR : oui avec un “t”) c’est celle d’innombrables Canadiens qui sont eux-aussi les descendants des premiers arrivants français qui ont contribué à façonner le Canada”, a-t-il raconté avant d’être applaudi par l’auditoire. Raison de plus pour lui proposer de venir découvrir ce nouveau bar rochelais au coeur du Plateau.
Même Trudeau parle de l’ouverture de Decathlon au Canada
Avant de vanter les mérites du CETA et de parler de la prochaine ouverture de Decathlon à Brossard, Justin Trudeau en a profité pour tacler les Français et leur usage intempestif de l’anglais. “L’AECG, ou le CETA comme vous dites ici en bon français, va plus loin que n’importe quel autre accord commercial dans le monde. (…) En 2017, les importations au Canada en provenance de la France ont augmenté de 4%. (…) Pour Décathlon, cet accord se traduit par l’ouverture d’une toute première succursale au Canada cette fin de semaine (…). Pour Pipolaki, une entreprise des Pyrénées-Atlantiques, la réduction des droits de douane augmentera sa compétitivité, de sorte que plus de Canadiens porteront ses célèbres bonnets… Pour les Canadiens, ils vendent des tuques !”, a tenu à préciser le Premier ministre canadien devant une audience visiblement amusée par le terme québécois. Enfin, il n’a pas pu retenir sa punchline préférée : “Si la France n’arrive pas ratifier un accord de libre-échange avec le Canada, avec quel pays imaginez-vous pouvoir le faire ?”, a-t-il lancé après avoir rappelé qu’entre la France et le Canada, “quatre siècles de commerce et d’échanges nourrissent la confiance”.
L’égalité des sexes, à l’horizontal
“Le Canada s’affirme pour le commerce progressiste, pour la diversité, pour l’immigration, pour la protection de l’environnement, pour l’égalité des sexes, pour la règle de droit, pour la démocratie, pour l’égalité, pour la liberté”. Standing ovation (pardon) pour le Premier ministre canadien qui a répandu la bonne parole dans l’hémicycle. “Nous sommes tous perdants lorsque nos concitoyens sont exclus que ce soit en raison de leur sexe, de leurs origines, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre”, a souligné Justin Trudeau notant au passage que l’Assemblée nationale française approchait d’ailleurs la parité tout comme au Parlement du Canada. Encore un petit effort. “L’égalité des sexes est le thème horizontal du sommet G7 que le Canada présidera au Québec en juin. (…) les conclusions adoptées par les membres du G7 devront contribuer à la véritable égalité hommes-femmes.” Affaire à suivre, donc.
Langue française, pas franglais
“Il faut que vous sachiez, amis français, à quel point les Canadiens sont attachés à la langue française. Ceux dont elle est la langue maternelle, ceux qui l’ont apprise (…). Si la langue française est toujours si vivante en Amérique du Nord quatre siècles après la naissance d’un berceau français sur le continent, c’est que le Canada, et notamment le Québec, s’est profondément engagé à la garder vivante”, a confié Justin Trudeau en citant au passage l’écrivaine acadienne, Antonine Maillet, pour vanter les bienfaits de la francophonie. Ce qu’il pense des anglicismes et du franglais d’Emmanuel Macron, qui dit souhaiter que “la langue française retrouve sa place”? On ne le saura pas. On note tout de même que le Premier ministre canadien n’a pas pu retenir un inattendu “That’s just not who we are” après s’être questionné : “La crise de la mondialisation devrait-elle nous mener à nous isoler, à nous replier ? Le Canada devrait-il laisser la peur et l’inquiétude dicter son avenir et surtout décider de celui de ses enfants?”. Just sayin’…
Climat et environnement, partenariat franco-canadien
“On ne peut passer sous silence les températures qui grimpent et un climat qui change. Force nous est d’admettre que changement n’est pas toujours synonyme de progrès”, a réaffirmé Justin Trudeau sous les applaudissements de l’Assemblée nationale. Il a saisi l’occasion pour rappeler qu’il avait célébré ce 16 avril 2018 la signature d’un partenariat franco-canadien pour le climat et l’environnement. “Au Canada, (…) nous nous interrogeons sur l’état de notre planète et notre capacité à alléger ses maux. (…) Nous ne pouvons pas nier le réchauffement planétaire”. Rappelons qu’entre ce qui est bon pour l’environnement ou pour l’économie, Trudeau a décidé de ne pas choisir et d’allier les deux. C’est en tout cas ce qu’il défend avec le projet d’agrandissement d’un oléoduc vers le Pacifique. Cela n’empêche pas une crise politique liée au pétrole de se dérouler en ce moment même au Canada.
Un discours éclairé par Les Lumières, contre le populisme
À plusieurs reprises dans son discours, le Premier ministre canadien a invoqué les philosophes français du siècle des Lumières, essayant de raviver les esprits et de lutter en sous-texte contre une certaine montée du populisme européen :
Il a terminé son discours sur une note amicale et fédératrice : “Amis français, les Canadiens vous tendent la main. Ayons l’audace de bâtir ensemble un monde plus progressiste, plus diversifié, plus vert, plus inclusif, plus ouvert, plus démocratique, plus libre, plus égal et plus fraternel : un monde à notre image.”
Justin Trudeau sera ensuite à Londres jusqu’au 20 avril 2018 pour rencontrer Theresa May et la reine Élisabeth II.
Pour revoir l’intégralité de son discours, c’est ici :
One Response
pauvre trudeau, il change son discours selon les auditeurs qui l’écoutent.