Infirmiers, notaires, criminologues ou encore acuponcteurs sont concernés. Au Québec, 46 ordres professionnels régissent les activités de plus de 385 000 praticiens. Contrairement à l’idée reçue, leur rôle premier n’est pas de défendre leurs droits, mais de protéger le public.
“Avant la réforme au Québec dans les années 1970, c’étaient les associations professionnelles qui avaient pour mandat de protéger leurs membres”, explique France Houle, professeur de droit public à l’Université de Montréal. Pour cette spécialiste des systèmes professionnels, le vent de réforme durant la Révolution Tranquille a engendré la naissance d’un système indépendant de l’Etat, mais régi par la loi. En effet, le Code des professions dispose d’une loi-cadre claire : les ordres professionnels ont pour mission principale de protéger le public. Si le système des ordres professionnels existe aussi dans les autres provinces canadiennes, « il n’y serait pas aussi ancré qu’au Québec », note France Houle.
Concrètement, les ordres doivent établir des systèmes pour contrôler l’entrée de la profession, exercer la surveillance de la profession et de tous les membres. Si ces derniers ne respectent pas les normes, “il existe des mesures contre eux qui peuvent aller de la simple réprimande jusqu’à la radiation”, précise France Houle. C’est pourquoi les 46 ordres concernent des métiers où existent des risques de “charlatanisme” (problème de société fort au Québec dans les années 1970) , et que les professions juridiques ou para-médicales y sont sur-représentées.
Un gage de sécurité pour l’usager, rassuré par le titre. Mais si certains ordres ne portent que sur le fait de poser sa plaque, d’autres protègent aussi les actes délivrés par les professionnels concernés. « L’ordre professionnel des diététistes du Québec ne portent que sur le titre, et pas sur les actes délivrés par les professionnels », illustre France Houle. Les actes, contrairement à ceux des avocats, ne sont donc pas protégés, et un nutritionniste, non concerné par l’ordre, pourrait délivrer un acte similaire.
Ce système serait aussi là pour assurer la formation continue des membres. “Par exemple les avocats ont une obligation de 30h sur un cycle de 2 ans”, illustre la vice-doyenne aux études de premier cycle.
Autre objectif des ordres professionnels : donner une certification aux professionnels formés à l’étranger, approuvée par le gouvernement du Québec. « L’entente Québec-France permet aux ordres professionnels de conclure des accords établissant les conditions de reconnaissance mutuelle entre les deux pays », illustre France Houle. Une équivalence entre les diplômes, mais aussi entre les titres professionnels, afin que les Français puissent accéder à leur profession au Québec rapidement, sans (trop) de démarches. Pour l’universitaire, les conditions seraient donc « généralement moins importantes pour les professionnels étrangers », afin de faciliter l’insertion des nouveaux arrivants.
Mais face à l’afflux massif de population, et l’émergence de nouvelles professions, le système des ordres professionnels serait en débat. « Même s’il y a pas mal de résistance de la part des ordres professionnels, le gouvernement essaye de faciliter ces systèmes datant des années 1990 pour la plupart ». À l’instar de l’éducation, les ordres professionnels seraient à l’avenir plus axés sur les compétences, savoir-faire et savoir-être, que sur les diplômes des praticiens. Education et ordres professionnels sont intimement liés : l’association des kinésiologues, qui viennent de voir une partie de leur cursus intégré à la faculté de médecine, cherchent d’ailleurs activement à être reconnus eux aussi comme ordre professionnel.