Des deux côtés de l’Atlantique, la vaccination contre la Covid-19 s’accélère, mais les délais entre les deux injections sont très différents. Avec, pour certains, le risque d’être convoqués pour une deuxième injection au milieu de l’été… Peut-on recevoir une injection au Québec, l’autre en France, tout en étant considéré comme conformément vacciné ?
Le 29 avril dernier, François Legault a annoncé une accélération de la vaccination, avec son ouverture progressive à tous les plus de 18 ans le 14 mai. L’objectif ? Que tous les adultes de la Belle-Province aient accès à la première dose avant la Fête nationale des Québécois, le 24 juin. Côté français, même volonté de ne gâcher aucune dose. Emmanuel Macron a annoncé, jeudi 6 mai, que la vaccination sera ouverte à tous sans limites d’âge dès le 12 mai, à la condition qu’il y ait des doses disponibles. Les vaccins actuellement proposés sont les mêmes des deux côtés de l’Atlantique (Pfizer-BioNTech et Moderna pour les vaccins ARNm, AstraZeneca / Covishield à vecteur viral), mais les délais entre les deux injections varient. En France, il faut compter 4 à 6 semaines entre les deux doses. Au Québec, c’est 16 semaines, soit quatre mois.
Romain a prévu un retour en France fin mai, avec sa conjointe. Ils peuvent faire leur première injection au Québec avant le grand départ, mais hésitent toutefois à prendre rendez-vous sur le site officiel du Québec, Clicsanté. « Sans suivi vaccinal international, ça parait risqué… ». Pourtant côté français, il semble assez facile de s’inscrire pour une deuxième dose sans avoir fait une première injection au même endroit. Sur Doctolib, un simple onglet propose un lien pour « uniquement réserver votre deuxième injection », et ensuite choisir le vaccin en fonction de la première dose reçue.
Malgré tout, certains se trouvent dans des situations kafkaïennes. Corinne souhaite aller voir sa mère en Ephad, mais l’établissement requiert d’être vacciné selon les normes de l’OMS, soit avec un délai maximal de 6 semaines entre les deux doses, et d’attendre un délai de deux semaines après la deuxième injection (sinon, c’est test PCR à chaque visite). En se faisant vacciner au Québec, elle ne respecterait pas ces conditions, et serait donc considérée comme non vaccinée. Et devrait tout recommencer… Au niveau mondial, seuls le Royaume-Unis, le Québec et l’Ontario ne respectent pas le délai de six semaines. Thierry a donc choisi de faire ses deux injections en France, pour avoir la seconde dose dans un délai beaucoup plus court.
Pour Antoine, le rendez-vous attribué pour la deuxième dose du vaccin va « plomber ses vacances en France ». Vacciné prioritairement le 1er avril, il a été convoqué pour sa deuxième injection le 22 juillet. Or, en tant qu’enseignant, ses vacances annuelles sont forcément à ce moment-là. « Avec la quarantaine, impossible de partir, ni avant, ni après ! ». Le trentenaire a bien essayé de négocier, mais l’infirmière s’est montrée inflexible. Maxime lui, vient d’avoir sa première injection au Québec, et n’a pas eu le même écho : « on m’a dit que je pourrais toujours essayer de devancer ma deuxième dose avant de prendre l’avion, mais j’avoue que j’ai moyennement confiance… ».
Blandine tentera elle le grand écart vaccinal, avec une injection dans quelques jours, et la deuxième dose en France. « Il faudra expliquer notre cas et prouver la première dose ». Idem pour Béatrice, qui a reçu sa première dose au Québec avec AstraZeneca, et sera en France pour la deuxième dose. « Selon les informations de Doctolib, il serait judicieux que j’aie un autre vaccin. Et puis, j’ai déjà fait faire des rappels d’autres vaccins faits en France au Québec à mes enfants… Je ne suis pas inquiète !»
Il est techniquement possible de se faire vacciner avec une dose de chaque côté de l’Atlantique en indiquant la preuve de la première dose : un document indiquant la date de l’injection, le nom du vaccin et la signature de la personne qui a injecté le vaccin, ainsi que la partie du corps piquée. Les inquiétudes de certains, comme Christophe, concernent plutôt le passeport vaccinal en discussion en Europe, qui donnerait accès à certaines activités.
La sénatrice Hélène Conway-Mouret a apporté des clarifications le 8 mai lors d’une rencontre virtuelle : Oui, il est bien possible de recevoir une dose dans chaque pays. « Pour l’instant, le passeport vaccinal n’est pas d’actualité, car cela serait discriminant pour certains », précise l’ancienne ministre. Cela dit, à partir du 9 juin, pour entrer en France, trois cas de figure seront possibles : soit la personne a reçu deux injections de vaccins (peu importe où, du moment qu’elle a les attestations ou QR code correspondant) et elle est dispensée de test PCR pour voyager, soit elle peut prouver d’une immunité suffisante (ayant eu le virus dans les dernières semaines, test à l’appui) et elle est également dispensée de test, soit elle n’est pas vaccinée (ou n’a reçu qu’une dose) et peut voyager vers la France, à condition de se plier à un test PCR avant de partir, à s’engager sur l’honneur à faire une septaine en France (bien que non contrôlée). Pour l’instant, vacciné ou pas, la quarantaine à l’hôtel est toujours obligatoire au Québec.
En France, pas besoin de carte vitale pour avoir un rendez-vous. Les impatriés n’auront même plus de délai de carence auprès de la Sécurité Sociale et se verront attribuer un numéro de sécurité sociale provisoire. Cette mesure exceptionnellement mise en place pendant la pandémie pourrait être prolongée au-delà du mois de juin. Pour les personnes qui ne sont pas assurés, le coût du vaccin Pfizer en France s’élève à une trentaine d’euros par dose. Bien moins cher que le test PCR requis pour voyager vers la France…