Habiter le territoire, ce n’est pas seulement y travailler. C’est aussi y passer les moments de ressourcement et de découverte, les vacances. Comment les immigrants ou les expatriés vivent-ils ces vacances forcées d’être locales ?
La belle saison n’a pas été synonyme du retour d’une certaine candeur, voire légèreté loin de là… Avant elle apportait frémissement et enthousiasme. Souvenez-vous, les bras se dénudaient, les jupes des filles virevoltaient, sur les terrasses une joyeuse insouciance se propageait entre rires et soleil. On aimait voir les parcs revivre au gré de la douceur et des rires des enfants, des grappes d’amis agglutinées ouvraient le bal des pique-niques et festivités culturelle. On faisait des plans pour l’été, on rêvait de plage dans le Maine, de retour en France ou de voyages exotiques…
Et puis, il y avait tous ceux qui, l’été venu, envoyaient leurs enfants dans leur pays d’origine pour vivre un peu avec les grands parents ou les cousins. Les parents les rejoindraient plus tard, durant l’été pour vivre ces moments précieux de retour aux sources, de partages affectifs, culinaires et culturels.
Comme immigrants, nous l’avons tous vécu ce flux et reflux de la marée estivale vers notre pays d’origine. Pas forcément le premier été, mais pour sûr à un moment de notre vie d’immigrants, d’expatriés, nous avons participé à ce ballet scandé par la fin des classes, cette migration temporaire, vers les origines.
Même si nous avons fait nôtre ce nouveau territoire que nous habitons, notre identité plurielle, nous ramène, pour le plaisir ou parfois par loyauté familiale, aux sources souvent en période estivale. Avouons que ce retour aux sources peut relever du marathon entre la famille disséminée dans l’Hexagone, les événements familiaux, les amis.
Mais ça nous faisait un bien fou, aussi. Oui, de voir ceux qu’on a laissés pour vivre ailleurs, ça nous fait du bien au cœur et à l’âme de retrouver, le temps d’un été nos racines, nos références, une culture commune, le bon vin, la France si riche de sa diversité géographique, des Vosges à Biarritz, d’Annecy à Cassis en passant par Lille…
C’est notre madeleine de Proust, les plages de Bretagne ou de Collioure en plus, avec en prime des livres deux fois moins cher qu’au Québec, des fruits gorgés de soleil, le croissant comme basique et un humour qu’on partage plus facilement peut être. Mais si nous ne l’expérimentons pas aussi en vacances, comment “tomber en amour avec le Québec intime”?
Vincent avait toujours le projet de vacances ici, mais pour la famille, par confort aussi depuis 7 ans ils rentraient chaque été dans son sud natal. Aujourd’hui ils reviennent de 15 jours de camping dans les parcs, les enfants ont adoré, les parents aussi. « Seule question, pourquoi ne l’avons-nous pas fait avant. Mon regard a changé, le Québec ce n’est pas seulement Montréal et tant mieux ! »
Et si nous choisissions le contre-pied de la frustration et faisions de cet été l’opportunité de vivre enfin ce que nous prônons si souvent, à savoir penser global et vivre local.
Léa est au Québec depuis quatre ans, mais chaque été elle rentre en France. « C’est fou, mais je suis heureuse d’être obligée de faire mes vacances ici, cela me permet de sortir de ma « dépendance » à la France et de mieux connaître le pays que j’ai choisi ».
Ce sera l’expérience locale au Québec par excellence. C’est l’occasion de faire du Québec notre terrain de jeu, la chance d’approfondir notre rapport au territoire que nous avons choisi, de le découvrir dans son immensité et sa beauté.
A nous le canot-camping, les bains de mer dans la Baie des chaleurs, les randos dans le parc de la Jacques Cartier, à nous la Gaspésie, le Charlevoix, les Îles de la Madeleine… À nous le délice des guimauves grillées sur le feu au camping, à nous les souvenirs locaux impérissables.
Je nous souhaite, malgré tout, un inoubliable été québécois.