En 2015, l’équipe du Cartel a fait un pari : mettre l’art en valeur par le biais du textile. Dix ans plus tard, leurs vêtements colorés, reconnaissables entre mille, garnissent de nombreuses garde-robes de Français et Québécois de la métropole. Le fondateur Pierre Sauvage revient sur cette aventure entrepreneuriale qui a fait du Cartel un incontournable du style montréalais.
Un plongeon dans l’arène
Pierre Sauvage arrive de France en 2013. Deux ans plus tard, il crée Le Cartel, sa toute première entreprise. Il n’a étudié ni en mode, ni en design. Il se lance, tout simplement. Et ça fonctionne.
« Je m’étais laissé un an, j’ai enlevé les petites roues du vélo pour voir comment ça fonctionnerait », se souvient le fondateur.
Le premier visuel qui donne un coup d’accélérateur au projet ? Un homme barbu portant un bonnet marqué MTL, illustré par Adrien Montier. Un t-shirt que vous avez très certainement déjà vu. En tout, treize visuels sont produits la première année.

Quant au nom « Le Cartel », il intrigue, et c’est voulu. « C’est un nom qui coche plein de cases », explique Pierre Sauvage. Un clin d’œil assumé aux cartels de drogue latino-américains, au monde de l’art – avec les cartels d’exposition dans les musées – et, surtout, il contient le mot Art.
Se déployer pour se recentrer sur l’essentiel
En 2019, Le Cartel ouvre son premier pop-up dans le Mile End, qui devient début 2020 une boutique, galerie et café. Un lieu de vie créatif… jusqu’à ce que la pandémie contraigne l’équipe à fermer.
Ce coup dur pousse la marque à revenir aux bases : « On a dû se recentrer, on a finalement mis toute notre énergie dans les vêtements », explique Pierre Sauvage.
Lorsque la vie reprend son cours, les collections s’enchaînent, plus affirmées, plus audacieuses. Le concept se stabilise : « Une année, une grosse collaboration avec un gros artiste. On creuse à chaque fois dans un nouvel univers créatif », résume l’entrepreneur.
En 2021, la collection Temple of Gods, en collaboration avec Mak Conlan, marque un tournant : « C’était le début de nos grosses collections artistiques, c’est là qu’on a commencé à trouver un équilibre créatif et commercial. »
Puis naissent successivement les collections Jardin secret avec la tatoueuse montréalaise Epithumia Rose en 2022, Mélanine en 2023, et une collaboration en 2024 avec l’artiste français Chatcon. Et pour 2025, l’équipe a choisi de revenir sur les pièces qui ont marqué l’histoire de la marque (le célèbre barbu est en magasin si vous le cherchez).
Une place privilégiée pour les artistes
Avec Le Cartel, le textile devient une œuvre d’art.
« L’ADN de la marque, c’est de faire rayonner les artistes avec le support textile en toile de fond », affirme Pierre Sauvage. Porter un vêtement du Cartel, c’est faire passer un message. Celui de l’artiste et le sien.
D’ailleurs, fait rare dans l’industrie : les artistes reçoivent des royalties sur chaque pièce vendue. Un engagement éthique que Le Cartel entend bien préserver.
Une identité bien marquée
En un coup d’œil, on sait qu’on a affaire au Cartel. Même si les artistes invités viennent d’univers très variés, l’identité de la marque est reconnaissable entre mille : logo distinctif, imprimés dans le dos, broderies minutieuses… et surtout, une palette de couleurs qui flash.
L’esprit du Cartel saute aux yeux, jusque dans leur boutique de l’avenue du Mont-Royal, où tout est vif, saturé, affirmé. « On a mis des années à utiliser la couleur noire pour nos vêtements », glisse Pierre Sauvage. Une décision assumée pour cultiver une signature visuelle unique et loin des codes classiques du streetwear.
L’ancrage montréalais au cœur de la marque
« Montréal, c’est Cartel. Cartel, c’est Montréal », poursuit Pierre Sauvage. Depuis ses débuts, la marque imprime ses visuels à Montréal, même si une partie de la production a été progressivement délocalisée en Asie.
Mais cette année signe un retour aux sources : « Cette année, un de mes objectifs est d’essayer d’avoir au moins 70 % de tous nos vêtements faits 100 % à Montréal. »
Un choix renforcé par le contexte de tensions politiques et économiques : « En prévoyant ça l’année dernière, on ne savait pas que Trump allait être élu et allait mettre en place des tarifs, mais ça tombe encore mieux pour nous… »
Dix ans, et ce n’est qu’un début
Aujourd’hui, Le Cartel expose ses créations dans sa boutique du 911, avenue du Mont-Royal Est, dans deux autres adresses montréalaises (Néon et le Marché St-Laurent), ainsi qu’en ligne. Dès cet été, les magasins Simons accueilleront aussi la marque.
Mais les ambitions de Pierre Sauvage ne s’arrêtent pas là : Toronto, New York… tout peut arriver. « Il y a des opportunités, ce qu’il faut, c’est les saisir en temps et en heure. »
L’entrepreneur voit grand et se donne les moyens de ses rêves. Il sait toutefois que pour franchir la frontière, il faudra s’entourer : « Je me suis déjà un peu brûlé les ailes. On reste une petite équipe. Je vais devoir trouver un bon partenaire. »
Une chose est sûre : l’aventure est loin d’être terminée.