À l’occasion du Forum économique international des Amériques (FEIA), Ségolène Royal était de passage à Montréal, à titre d’Ambassadrice française des pôles arctique et antarctique. Avant son allocution de clôture, on a pris le temps de revenir avec elle sur les rôles que peuvent (encore) jouer les gouvernements en matière de changement climatique.
“Je voudrais saluer le rôle du Québec qui a été un allié de la France dans la préparation de la Conférence de Paris sur le climat en 2015, il était très à l’avant-garde et à l’offensive”, a confié l’ex-candidate à l’élection présidentielle française. “(…) Le basculement du Canada vers la prise en compte des sujets climatiques a été très importante grâce au Québec. Trudeau a pu s’appuyer sur le Québec”, a souligné celle qui estime que dans la gouvernance climatique, “le charisme compte énormément”.
“Le Canada a entamé sa transition énergétique, ce n’est pas facile mais il s’y est mis. Ici, l’hydroélectricité constitue déjà une part importante des énergies renouvelables”, a fait savoir l’ancienne ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie avant de pointer les “contradictions” inhérentes aux transformations du système. “Dans le même temps, certaines régions où les énergies fossiles sont très présentes ont peur du déclassement et du chômage si la transition énergétique est trop rapide”.
Interrogée sur l’avenir de l’or noir, sa réponse ne s’est pas faite attendre. “Il faut préparer l’après-pétrole dès maintenant ! Je n’ai aucun doute là-dessus et c’est aussi ce que dit le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)”. Loin d’être résignée, la politicienne de 65 ans soutient les “très jeunes générations qui se bougent et manifestent”. “C’est nouveau ! Ils ont une cause vitale à défendre et je crois que cela force les dirigeants à réagir plus vite. Cela a un réel impact”, a lancé Ségolène Royal, ravie des scores obtenus par les listes “vertes” lors des dernières élections européennes. “Mais, plus que jamais, il faut rester vigilant et regarder l’écart existant entre le discours et les actes”, estime la politicienne selon qui il faudrait aussi “orienter la finance verte vers les investissements verts” et créer ainsi une toute nouvelle économie. Sans pour autant céder à la panique ou à l’angoisse.
La peur n’évite pas le danger
“Je pense que la panique doit servir de levier pour l’action. Mais c’est vrai qu’il faudrait plus de menaces sur les prédateurs, les pollueurs, le secteur financier qui ne fait pas ce qu’il faudrait. C’est pour cela qu’il faut redonner du lustre à la politique au moment où les gens s’en méfient alors qu’on n’en n’a jamais eu autant besoin”, a confié l’ex-ministre française de l’Environnement. “Il faut imposer aux opérateurs économiques d’autres logiques. Le capitalisme a été une catastrophe pour l’économie en considérant que la nature était un bien gratuit et sans limite (…) Il faut réconcilier des contraires avec un autre rapport de force”.
Son avenir à elle ? Verdoyant. “J’ai déjà mon présent ! (rires) J’ai créé une fondation, Désir d’Avenir pour la Planète avec laquelle j’aide les femmes africaines à installer l’énergie solaire sur les maternités en milieu rural. C’est beau”, a expliqué l’Ambassadrice des pôles arctique et antarctique qui a aussi rencontré des chercheurs sur les sujets arctiques à l’Université de Laval avant de rentrer en France.
“80% de la banquise a disparu depuis les années 80, c’est affolant ! La pollution va jusqu’aux pôles : 80% des oiseaux marins ont du plastique dans l’estomac alors qu’il n’y a personne au centre de l’Arctique. La planète est petite, on l’oublie. Reste à savoir comment on va pouvoir gérer le doublement de la population d’ici 2050”, poursuit celle qui n’a pas prévu de baisser les bras. “La marginalisation des femmes explique aussi en partie le désastre climatique. Les femmes l’ont observé depuis longtemps, ce sont les premières concernées notamment lorsqu’elles n’ont pas d’eau potable à donner à leurs bébés”, souligne l’auteure du rapport « Femmes et Climat » pour la COP21.
En cas de catastrophes climatiques, aux Philippines par exemple, 70% des victimes sont des femmes. Pourquoi ? “Parce qu’elles ne savent pas grimper aux arbres, parce qu’elles s’occupent d’abord des autres, etc. J’ai veillé personnellement à ce que les femmes soient enfin présentes dans un traité international climatique, à la fois en tant que victimes et solutions”, a confié l’auteure du Manifeste pour une justice climatique (2017). Son mot d’ordre pour l’avenir : “Essayons d’être intelligents collectivement”.