Depuis 2011, grâce à l’ARM (accord de reconnaissance mutuelle dont on a déjà parlé ici) entre les diplômes de la France et du Québec, les pharmaciens français peuvent exercer au Québec s’ils réussissent les mesures compensatoires exigées en vertu de l’ARM.
Comme expliqué ici sur le site de l’Ordre des pharmaciens du Québec, pour devenir pharmacien dans la Belle Province, une formation universitaire d’une durée d’au moins quatre ans est nécessaire. “Au Québec, l’Université de Montréal (UdeM) propose le Doctorat professionnel (Pharm. D) depuis 2007 et l’Université Laval depuis l’automne 2011. Ce doctorat combine enseignement théorique et stages de formation professionnelle. Les étudiants ayant complété ce programme détiennent le titre de docteur en pharmacie.”
Quant aux pharmaciens français qui s’installent à Montréal et qui veulent exercer leur profession de ce côté-ci de l’océan, ils doivent suivre un programme de 16 mois à l’UdeM. Trente pharmaciens par an, toutes nationalités confondues, y sont admis et il faut avoir la résidence permanente pour prétendre s’y inscrire. Mieux vaut le savoir avant d’arriver, au risque d’avoir l’impression de perdre son temps.
S’ils ne suivent pas le programme de l’UdeM, ils doivent réussir un examen oral de simulation de situations entre le pharmacien et patient, ou avec un autre professionnel de santé (partie 2 de l’ECOS, un type d’examen souvent utilisé dans les sciences de la santé). “Les pharmaciens français ont le choix de faire l’un ou l’autre. Ainsi, ils peuvent soit suivre la formation de l’Université de Montréal, soit faire l’examen. Dans les deux cas, un stage de 600 heures est exigé. Tous les détails apparaissent ici”, nous a confié Julie Villeneuve, directrice des communications de l’Ordre des pharmaciens du Québec.
“L’ECOS n’a lieu que 2 fois par an et c’est assez stressant ! De nombreux pharmaciens français n’y arrivent pas du premier coup. Après cela, on a un permis d’exercice au Québec et l’on peut s’inscrire à l’Ordre des pharmaciens du Québec”, raconte une pharmacienne française installée à Montréal qui préfère garder l’anonymat.
“Ici, le pharmacien est plus impliqué dans le système de santé alors qu’en France, il s’occupe surtout de la bonne délivrance de la médication. Au Québec, on est responsable d’évaluer la pertinence de la médication, son l’efficacité, sa tolérance, de la bonne adhésion au traitement, etc. Le suivi du patient est très important : notre rôle ne s’arrête pas à la sortie de la pharmacie”, rapporte encore la pharmacienne française avant de préciser que, grâce à la loi 41 votée en 2015, les pharmaciens ont obtenu plus de pouvoirs.
“On a maintenant la possibilité de prolonger l’ordonnance du médecin, de prescrire pour des conditions mineures ou lorsqu’aucun diagnostic n’est requis, de prescrire des analyses de laboratoire, de substituer un médicament s’il est en rupture de stock, d’ajuster la dose pour assurer l’efficacité ou l’innocuité, etc”.
Déposé en juin 2019, le nouveau projet de loi 31 devrait encore élargir les pouvoirs conférés aux pharmaciens au Québec. Comme énuméré ici, ils pourront prescrire et administrer des vaccins et, en situation d’urgence, certains autres médicaments; prescrire tous les médicaments en vente libre; administrer un médicament par voie intranasale; ajuster ou prolonger les ordonnances de tous les prescripteurs, non seulement celles des médecins; cesser une thérapie médicamenteuse selon une ordonnance ou à la suite d’une consultation effectuée à la demande d’un prescripteur; substituer au médicament prescrit un autre médicament même s’il n’appartient pas à la même sous-classe thérapeutique; prescrire et interpréter non seulement des analyses de laboratoire, mais tout autre test, aux fins du suivi de la thérapie médicamenteuse.
Autre particularité de la province : dans les pharmacies québécoises, il y a un ou deux pharmaciens en service, épaulés par des assistants techniques en pharmacie (ATP). “La formation d’ATP existe au Québec mais n’est pas obligatoire et donc n’importe qui peut être formé sur place pour être ATP. Leurs tâches sont techniques, en particulier entrer les prescriptions par informatique au sein de la pharmacie. Ils ajoutent aussi les médicaments dans des fioles (petits contenants en plastique) ou en piluliers jetables (dispills) car les médicaments arrivent du grossiste en pots de 100-500 ou 1000 comprimés”, raconte la pharmacienne française dont l’une des missions est aussi de vérifier la commande préparée par l’ATP. “En fait, tout passe par le pharmacien qui vérifie chaque demande de patient, contrairement à la France où il existe des préparateurs en pharmacie qui peuvent conseiller un médicament de vente libre ou servir une ordonnance.”
Enfin, vous l’aurez remarqué, au Canada comme au États-Unis, les pharmacies ressemblent à des magasins où l’on pourrait faire ses courses. “Mais le pharmacien ne s’occupe que de la partie laboratoire. Je ne recommande pas de dentifrices, ni de crèmes ou de shampooings… Le métier de pharmacien est recentré sur le médicament ici”, rassure la Française qui affirme qu’être pharmacien au Québec est aussi plus payant de ce côté-ci de l’Atlantique. “On est environ 1 fois et demi à 2 fois mieux payé qu’en France“.