Ils sont nombreux à venir s’installer au Canada en pensant pouvoir faire reconnaître “facilement” leurs diplômes et leurs acquis. Dans les faits, il est parfois plus compliqué de se faire une place au soleil de ce côté-ci de l’Atlantique, peu importe les années d’expériences et les diplômes accumulés ailleurs. Gwendoline Mauchain, 30 ans, avocate au barreau de Paris, a pu exercer sa profession au Québec sans avoir à retourner à l’École du Barreau à Montréal grâce à l’ARM. Mais cela ne l’a pas empêchée de devoir faire ses preuves.
Le Règlement sur la délivrance d’un permis du Barreau du Québec pour donner effet à l’Arrangement conclu par le Barreau du Québec en vertu de l’Entente entre le Québec et la France en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est en vigueur depuis 2010. C’est grâce à lui qu’a été mis en œuvre l’arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) des qualifications professionnelles conclu par le Barreau du Québec et le Conseil national des barreaux.
“Il s’agit de la voie la plus rapide pour obtenir un permis d’exercice pour un ressortissant français désirant travailler au Québec comme pour un ressortissant québécois désirant travailler en France. Le ressortissant français obtenant le permis par l’ARM a ensuite le loisir et la responsabilité de déterminer s’il lui faut des formations particulières pour bonifier ou mettre à jour ses connaissances par le biais de la formation continue obligatoire (FCO)“, nous a fait savoir Martine Meilleur, coordonnatrice des communications à la Maison du Barreau.
“J’ai terminé mes études pour devenir avocate en 2016. C’est aussi le moment où j’ai obtenu mon PVT. Après un moment d’hésitation entre partir au Canada et accepter une offre de collaboration dans un grand cabinet parisien (…), j’ai décidé de partir”, raconte Gwendoline Mauchain qui a eu l’agréable surprise de découvrir le concept de l’ARM (Arrangement de Reconnaissance Mutuelle entre la France et le Canada). “J’étais étonnée que ni mon université ni l’École du Barreau ni même le Conseil de l’ordre (…) ne nous informent de la possibilité de pouvoir être avocat au Québec sans avoir a passé le moindre diplôme… juste en étant avocat dans un Barreau français.”
L’ARM, encore trop peu (re)connu
La jeune femme a donc profité de cet ARM entre le Barreau du Québec et le Conseil de l’Ordre – Barreau de Paris pour devenir avocate sans avoir à retourner à l’École du Barreau à Montréal. Elle n’a eu qu’à repasser un examen de déontologie, un cas pratique assez simple mais qui coûte tout de même plusieurs milliers de dollars. “C’est très appréciable après 8 années d’études et l’École du Barreau pendant 2 ans. Cela m’a permis un gain de temps, de stress et d’argent ponctuel mais seulement ponctuel”, confie Gwendoline Mauchain. Force est de constater que cet ARM est peu — voire pas — reconnu par les professionnels et encore moins par les cabinets d’avocats. “Bien que je sois avocate au Barreau de Paris et de Montréal, le fait que mes diplômes soient français et que je n’ai réalisé aucun stage au Québec m’a fermé énormément de portes”, se souvient celle qui a donc commencé par un stage en 2016, bien qu’étant déjà avocate avec deux barreaux et un diplôme en droit international.
“Je devais faire mes preuves, alors j’ai accepté d’être stagiaire pour apprendre pendant 6 mois (NDLR : elle était payée 1000$ par mois). J’estime que j’étais surtout payée en connaissances que j’accumulais. Il faut voir ça comme une longue période d’essai ! C’est vrai qu’il faut mettre un peu son égo de côté”, confie la Française qui a fini par ouvrir son propre cabinet il y a deux ans. “J’ai de plus en plus de jeunes futurs confrères qui viennent me demander comment obtenir l’ARM mais je suis bien obligée de les prévenir que cela n’ouvre pas de porte tant cet arrangement est méconnu. À la rentrée, je vais même prendre deux associées qui n’ont pas réussi à convaincre les cabinets canadiens… On va finir par être nombreux,” raconte Gwendoline Mauchain qui estime que retourner à l’école des avocats ici lui aurait certainement évité quelques soucis. “L’ARM donne le droit d’exercer et de plaider mais ne facilite pas l’introduction dans le monde du travail ici.”
Natacha Mignon, avocate-conseil auprès du Consulat général de France à Montréal et à Québec, qui possède son propre cabinet d’avocats spécialisé en Immigration et mobilité internationale au Canada, considère que “la mise en oeuvre de l’ARM n’a pas eu l’effet d’une révolution”, comme elle l’expliquait déjà ici. “Les cabinets nationaux connaissent mal cet accord et n’embauchent pas, sauf exception, d’avocats en ayant profité. Plus étonnant, même les firmes s’affichant dans le domaine des relations France-Québec, (…) ne comptent pas dans leurs rangs d’avocats devenus membres du barreau du Québec en vertu de l’ARM.”
Comme Gwendoline Mauchain, elle estime que les candidats à l’ARM désireux de pratiquer au Québec doivent être prêts à surmonter certaines difficultés lors de leur embauche. “La méconnaissance des diplômes français, l’ignorance de la formation initiale des avocats français et la réticence à vérifier des références à l’étranger pour des employeurs québécois en font partie.”
D’après Natacha Mignon, comme elle l’explique encore ici, l’intégration des avocats issus d’un barreau français dans les cabinets d’avocats établis au Québec reste un challenge. “D’autres ordres professionnels ont intégré dans leur ARM certaines mesures compensatoires, telles que l’obligation de refaire un stage et de suivre une formation d’appoint. C’est le cas par exemple des pharmaciens. Pour les avocats français, il n’y a pas de telles obligations. Je recommande toutefois aux candidats avocats à l’ARM de suivre des cours en droit québécois et canadien, car cela va faciliter leur entrée sur le marché du travail.”
Reconnaissance des diplômes et de l’expérience au Canada, en bref
Votre formation et votre expérience de travail en dehors du Canada ne seront donc pas forcément reconnues par les employeurs. Sur le site “Guichet-Emplois” vous trouverez la liste des professions réglementées, celles qui nécessitent obligatoirement une évaluation de votre parcours. La nécessité de faire examiner votre expérience dépend également de la province/du territoire où vous envisagez de travailler. Si besoin, faites évaluer vos diplômes avant de partir car le processus est long et payant. Dans certains cas, vous devrez également devenir membre de l’organisme de réglementation de votre profession pour pouvoir exercer.
Pour connaître les autres voies possibles d’obtention d’un permis d’exercer au Barreau du Québec, rendez-vous ici.