Qui dit nouveau pays, dit choc des cultures et l’alimentation en fait également partie. On ne vous parlera pas aujourd’hui de la recette de la poutine ou du pâté chinois, mais plutôt de « l’environnement alimentaire » au Canada qui peut être, parfois, semé d’embûches, avec son lot de produits (ultra) transformés**. Car oui, le régime alimentaire type est différent des deux côtés de l’Atlantique, et ça ne laisse pas vos intestins indifférents.
« La nourriture est beaucoup plus grasse, salée et sucrée », « les fruits et légumes ont moins de goût », « il y a moins de variétés dans les aliments »… C’est ce que nombre de Français remarquent quand ils mettent les pieds dans un supermarché au Canada. Une différence avec la France qui ne se ressent pas uniquement dans le sac de courses mais aussi, au niveau du transit intestinal. Sur une dizaine de Français sondés, la plupart d’entre eux et leurs proches ont reconnu avoir eu plus de troubles digestifs depuis qu’ils vivent ici : ballonnements, constipation, diarrhée, prise de poids… Des symptômes qui se sont déclarés dès les premiers jours, qui perdurent encore pour certains, ou qui n’ont jamais été ressentis pour les plus chanceux.
Selon la diététiste-nutritionniste, Anne-Marie Roy, cela vient du microbiote ou flore intestinale, « ces bactéries naturelles, qui logent dans notre colon, doivent s’adapter, surtout quand il existe un changement d’habitudes alimentaires, cela peut prendre du temps ». Elle estime que c’est un phénomène tout à fait normal, mais qui reste du cas par cas. En revanche, elle met l’accent sur les produits ultra-transformés qui peuvent être aussi responsables de cet inconfort, « il y a certains additifs qui sont nuisibles pour le microbiote, d’autant plus s’ils n’existaient pas dans votre alimentation initiale, ça peut jouer ». Autre hypothèse, celle des FODMAP, il s’agit de glucides comme le sorbitol, le mannitol et le fructose, qui peuvent être plus présents dans les produits transformés au Canada. C’est ce que soulève Jason Frediani, coach en nutrition en France et désormais à Montréal : « bien qu’ils ne soient pas mauvais, ils peuvent être mal digérés au-delà d’un certain seuil, surtout si l’on n’est pas habitué à ces quantités avec notre régime alimentaire en France ».
En moyenne, près de 50% des calories consommées par jour par les Canadiens viendraient d’aliments ultra-transformés, d’après Malek Batal, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé (CIENS). En comparaison avec l’Hexagone, les Français en consommeraient entre 20 et 30%. À noter également que le nombre d’additifs alimentaires autorisés s’élève à environ 500 au Canada contre 330 dans l’Union européenne. Une différence qui s’expliquerait, en partie, par la proximité avec les États-Unis et les accords de libre-échange, instaurés dans les années 90, selon le professeur Batal. « On a vu notre système alimentaire se transformer sur le sol canadien depuis, avec une plus forte implantation de multinationales américaines et l’explosion de grandes surfaces, cela a pu contribuer à orienter l’offre alimentaire vers des produits plus transformés », précise-t-il.
Malek Batal pointe aussi du doigt un phénomène répandu au Canada celui du « Health immigration effect », selon lequel les immigrants arrivent en meilleure santé que les « Canadiens de souche » et que, quelques années plus tard, leur santé se détériore plus vite, pouvant aller jusqu’à des problèmes de diabète, d’obésité ou de maladies cardiovasculaires. Cette dégradation a été prouvée, notamment, par les résultats de tests médicaux pour s’établir au Canada. Même si plusieurs facteurs sont à prendre en compte, le professeur Batal pense que « cela serait dû, probablement, à la transition nutritionnelle qui se fait assez rapidement, en passant d’une alimentation moins modifiée à une autre ultra transformée ». Il ajoute que « les gens ont souvent des moyens limités quand ils arrivent et s’ils tombent dans une précarité financière, ils vont se diriger vers ces produits ultra-transformés et accélérer ce processus d’acculturation alimentaire, cumulé aussi, à des risques de sédentarité, surtout l’hiver ».
Les professionnels en nutrition restent unanimes sur le sujet. Il est préférable, selon eux, d’éviter le plus possible les produits (ultra) transformés. Ils recommandent d’ajouter plus de fibres, de fruits et légumes dans son assiette au quotidien, de s’orienter vers les marchés et producteurs locaux, via des circuits courts, de cuisiner soi-même, de remplacer la viande par des légumineuses et si son porte-monnaie le permet, de consommer bio. Le coach en nutrition, Jason Frediani conseille également de vérifier la provenance, de déceler les aliments qui posent problème et surtout de s’éduquer sur la question. Quant aux Français interrogés, une majorité se dit prête à mettre le prix pour une alimentation plus saine et qualitative !
**Un produit ultra-transformé contient souvent des additifs pour augmenter la durée de conservation ou rehausser le goût vs un produit transformé, lui, est modifié par l’ajout de sucre, huile ou sel.