En omelette, brouillés, sur le plat ou Bénédicte… Les œufs font partie du petit-déjeuner américain traditionnel. Souvent accompagnés de bacon et de gruau, les breakfasts américains sont la plupart du temps salés. Mais pourquoi le bacon et les œufs sont-ils tellement incontournables ? C’est la question bête de la semaine.
Chaque restaurant américain qui se respecte propose dans son menu des œufs et du bacon. Cette tradition est devenue une norme aux États-Unis. Selon un sondage de Simmons National Consumer Survey, un Américain mange en moyenne 18 pounds (8 kilos) de bacon par an. Si les bienfaits des œufs sur la santé ne font pas de doute, qui se cache sous la tranche de bacon ? Un homme : Edward Bernays.
Inventeur du terme « relation publique » pour éviter que le marketing soit affilié à la « propagande », ce neveu de Sigmund Freud a contribué au façonnement de l’opinion publique américaine tout en inspirant la publicité moderne. Il appelait cela : « la fabrique du consentement ». Il est notamment à l’origine de l’augmentation du tabagisme chez les femmes. Pour une marque de tabac, Edward Bernays avait cyniquement utilisé la cigarette comme un symbole de liberté pour les droits des femmes, alors sujet de société.
En 1920, Edward Bernays est à la tête des relations média de Beech-Nut Packing Company. La compagnie américaine spécialisée dans le commerce de viande lui demande alors d’augmenter leur vente de bacon. À l’époque, les Américains mangent peu de viande et le petit-déjeuner est presque inexistant. Edward Bernays a une idée : convaincre l’opinion publique que le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée.
Manger de la viande et des œufs au petit-déjeuner n’est pas nouveau. Dans l’Ouest américain, les travailleurs et les fermiers en mangent déjà en quantité importante avant leur journée de travail. Edward Bernays veut aller plus loin et lancer une mode. Il se tourne vers des experts et arrive à convaincre 5000 médecins de signer une pétition qui recommande fortement de manger des œufs et du bacon pour le petit-déjeuner. Le publicitaire publie une revue et lance une vaste campagne marketing. Grâce à l’image du travailleur américain et à l’appui des spécialistes médicaux, les Américains en sont convaincus : manger du bacon et des œufs est bon pour la santé. La dernière touche d’Edward Bernays est de convaincre la presse, alors très lue par la population.
Au fil des années, le combo œuf et bacon est devenu le petit-déjeuner familial. « Les Américains mangent ce qu’ils ont le temps de cuisiner. Ce genre de petit-déjeuner est plutôt celui que l’on retrouve le week-end. Aujourd’hui, de nombreux Américains ne mangent pas de repas le matin, par manque de temps », tempère Amy Kimberlain, diététicienne.
La multiplication des fast-foods et des restaurants ouverts 24/24 ont aussi augmenté l’intérêt des Américains pour les brunchs, ces repas de fin de matinée salés et sucrés synonymes de week-end aux États-Unis . « Certains restaurants ont même créé le concept de ‘Brinner’, un mélange de ‘breakfast’ et de ‘dinner’», ajoute Amy Kimberlain. Depuis quelques années et avec l’aide des nouvelles technologies, la mode du brunch a révélé de nombreuses recettes : crêpes, gaufres, bagels. Pancake, céréales, doughnuts, céréales… « Les Américains mangent une variété d’aliments différents pour leur petit-déjeuner », précise la diététicienne.
Le talent marketing d’Edward Bernays est tellement fort qu’aujourd’hui, les Américains mangent du bacon et des œufs régulièrement. Le publicitaire n’a pas été le seul à lancer une mode. En 1898, un certain John Harvey Kellogg fabrique les corn-flakes et commence une campagne publicitaire en affirmant que les grains de maïs cuit à la vapeur permettent de lutter contre la masturbation. Plus de cent ans plus tard, la marque est toujours présente dans les supermarchés.