Vous voilà prêts à partir pour Boston, le berceau historique des États-Unis où Zuckerberg a fait ses classes ! Vous annoncez alors la bonne nouvelle à vos collègues et amis québécois qui s’empressent de vous corriger (chacun son tour !). “On ne dit pas Bostonne, on dit Boston”. Rabat-joie. Depuis ce jour, vous vous posez alors cette question existentielle : pourquoi cette différence de prononciation ? Heureusement, on est là.
Même le professeur Benoît Melançon, sur son blog “L’Oreille tendue”, s’est posé la question à travers le tweet lancé par l’un de ses collègues. “Qu’est-ce que ces deux Boston, puisque l’un existerait «en québécois» ? Pour une même graphie, il y a le Bostonne (comme cretonne) des francophones européens (pour faire bref) et le Boston (comme cretons) des Québécois.”
Ailleurs sur Twitter, le débat fait rage :
Les Français disent Bostonne #constat
— Miminifee (@miminifee) May 15, 2014
Pourquoi certains journalistes prononcent "Boston" et d'autres "Bostonne" Alors que tous prononcent "Washingtonne" et jamais "Washington"?
— Etudiant59 (@Etudiant59) April 23, 2013
@Dutrizac Compliqué. Faut-y dire Vachinton (Washington)?, Bostonne (Boston)? Nouvelle-York (N-Y)? Comment dire Bill Clinton? -tonne ou -ton?
— Stéphane Venne (@stvenne) February 11, 2014
Autrement dit, les Québécois prononcent Boston comme s’il s’agissait d’un toponyme français. Pas facile de s’y habituer pour les “maudits Français” qui débarquent ici, il faut l’avouer. “(…) les Canadiens ne sont pas toujours logiques. Enfin, qu’est-ce qui nous prend d’utiliser des nasales pour certains noms anglais et pas pour d’autres ? (…) Il est amusant de noter que Canadiens et Québécois ne prononceront jamais Washington comme ils prononcent Boston. La capitale américaine garde son accent anglais, tandis que le berceau de la Révolution américaine rime avec futon. Étrange”, écrit très justement André Racicot ici.
Pour Chantal Bouchard, professeure agrégée à McGill, il y aurait une explication historique. “Cela tient au fait que la ville de Boston est très ancienne, elle a été fondée en 1630, à peine plus de 20 ans après Québec, et à une époque où les contacts entre Anglais et Français étaient très limités, pour ne pas dire nuls, compte tenu de l’incessante rivalité entre les deux pays en Europe, et les deux colonies en Amérique”, raconte la professeure agrégée, avant de rappeler qu’on dit aussi Londres, Rome, ou Grenade, plutôt que London, Roma ou Granada. “Au Québec, on dit Boston avec la voyelle nasale, plutôt qu’à l’anglaise en faisant sonner la consonne finale. Remarquez qu’on dit London à l’anglaise pour la ville ontarienne, fondée beaucoup plus tard sous le régime anglais.”
Washington, en revanche, fondée en 1791 après la Révolution américaine et après le traité de Paris qui céda le Canada à l’Angleterre, ne connaît pas cette adaptation phonétique. “Sans doute parce que l’anglais était déjà beaucoup plus présent ici et de surcroît la langue des occupants qui formeraient la classe dominante”, estime la professeure de McGill selon qui les noms d’origine française qu’on trouve un peu partout aux États-Unis, comme Détroit, la Nouvelle-Orléans, Lafayette, Bâton Rouge, entre autres, conservent leur prononciation française dans l’usage des Québécois, et des Français. “En tout cas, je n’ai jamais entendu prononcer «ditroillete» ou New Orleans, ou «lefillette». La représentation de la prononciation anglais de Bâton Rouge défie toute tentative hormis une représentation en caractères phonétiques.”
Ici, on lit aussi que la France a joué un rôle important dans la ville de Boston et que la prononciation finale tiendrait même à une histoire d’amour franco-américaine. “La prononciation même du nom de la ville est propre aux Français. De fait, nous ne disons pas Boston (avec un ON à la fin) comme les Canadiens francophones mais “Bostonne”, en insistant sur la fin du mot. Il y a 200 ans, en 1796, un futur roi de France habita au premier étage du célèbre Union Oyster House, près de Quincy Market. Exilé de son pays, il gagna sa vie en enseignant le français à de nombreuses jeunes femmes de l’aristocratie locale. Louis-Philippe, c’était lui, tomba alors amoureux d’une servante et lui composa un poème où “Bostonne” rimait avec “friponne”. De retour en France, il imposa la prononciation du nom de la ville en mémoire de son amour américain. Autant de détails qui lient les Bostoniens à la France”. Un peu de romantisme dans ce monde de linguistique…
Et vous, comment vous prononcez Boston ?