Peu connu en France, Pierre Barrieu jouit d’une belle réputation dans le “soccer” aux États-Unis, où il est le directeur de la performance du Toronto FC en MLS. Originaire de Thionville, ce Mosellan de 49 ans a décroché un diplôme en éducation physique et sciences du sport à l’université de Nancy en 1994, avant de succomber aux sirènes de l’étranger en 1998.
En Virginie, il devient l’entraîneur adjoint et le préparateur physique de l’équipe masculine de l’université, où ses bons résultats l’emmènent jusqu’à un poste en équipe nationale américaine. Le préparateur physique remporte en 2002 la Gold Cup (CONCACAF) avec “Team USA” et participe ensuite à la Coupe du monde 2006 en Allemagne. Depuis, le Français a travaillé avec des équipes de MLS dont les New York Red Bulls et le Los Angeles Galaxy où il a côtoyé Zlatan Ibrahimovic en 2018 et 2019. Il est depuis le mois de février le directeur de la performance au Toronto FC, où il dirige une équipe de 13 personnes au service de la santé et de la forme des joueurs. “Mon métier? C’est d’avoir une armée prête au service du général, le général étant le coach”, décrit Pierre Barrieu. “Il faut arriver à faire travailler tous ses experts ensemble, leur faire comprendre qu’ils sont/que nous sommes tous responsables d’une partie infime du résultat final de l’équipe”.
À la différence de la France, les équipes de sports américains (et notamment en MLS) disposent de staff très élargis avec des spécialistes aux rôles bien définis. “Je travaille avec trois kinés, une équipe d’analystes vidéos et de statisticiens, avec des médecins du sport, un podologue ou encore un traumatologue”, énumère Barrieu. “En France, les entraîneurs et les préparateurs physiques ont une vision très formatée qui leur a été apprise à la Fédération Française de Football. Tout est segmenté, on ne veut pas d’un préparateur physique qui donne son avis sur la tactique, ou d’un docteur qui sorte de sa ligne et émette des suggestions sur l’équipe. Ici, on essaie de tirer tous dans le même sens en communiquant beaucoup entre les départements”. Un surplus de main d’oeuvre apprécié par les joueurs qui permet de s’adapter au profil spécifique de chacun. “Je tends à penser qu’on est plus efficace quand on est plus nombreux”, lâche Barrieu.
Le Français a connu une acclimatation difficile à Toronto en février, puisque la pandémie a poussé son équipe à s’isoler pendant plusieurs jours avant de devoir quitter le Canada pour la Floride et Orlando, où le club a effectué sa préparation physique, et joue également ses matches depuis deux mois. “J’avais sous-estimé le traumatisme psychologique subi par les joueurs l’année dernière, après avoir déjà passé toute la saison sur la route loin du Canada, sans parler de tous les cas de Covid et les protocoles à suivre. Ils n’étaient pas très heureux de revenir ici”, confie le Français.
Loin de leurs supporters et de leur famille, les joueurs du Toronto FC ont raté leur début de saison en enchaînant plusieurs défaites en MLS et en Ligue des champions CONCACAF en avril, avant de redresser un peu la tête ce mois-ci. Ils pointent pour l’instant à la 12ème place sur 14 dans le classement de la conférence Est. “Le début de saison a été très chaotique mais bon, l’expérience me sert à relativiser pas mal de choses et à calmer ceux autour de moi qui en ont peut-être besoin”, commente Barrieu. “Nous sommes bien mieux physiquement maintenant, et avons recruté de nouveaux joueurs pour nous renforcer”.
Un autre défi à relever pour Barrieu dans son nouveau club est de s’adapter à une nouvelle manière de jouer avec le nouveau coach, Chris Armas, qui a remplacé Greg Vianney parti entraîner le Los Angeles Galaxy. “Il y avait jusqu’ici plutôt une équipe inchangée depuis 4-5 ans avec beaucoup de vétérans habitués à une certaine routine”, explique le directeur de la performance. “Le nouveau coach est arrivé avec de nouvelles méthodes d’entraînement avec plus de volume et d’intensité. Mon rôle a été de préparer mon staff et les joueurs à ces changements, pour que la transition se fasse du mieux possible”.
Déterminé à obtenir de bons résultats sur le terrain dans une équipe qui a déjà gagné le titre national en 2017, Barrieu peut compter sur la révolution du “big data” en préparation physique. “Nous sommes aujourd’hui très bien équipés avec des appareils de mesure dernier cris, qui nous permettent de mieux prévoir les charges de travail et l’intensité des entraînements, et également de mieux travailler sur la réathlétisation après une blessure”. Sur cette question de la réatlhélisation, le Toronto FC fait également appel à des entreprises extérieures dédiées aux statistiques, capables en cas de pépin physique chez un joueur de repérer les facteurs de blessure en amont, et de soumettre des pistes de travail pour en aval.
Très américanisé après une vingtaine d’années de l’autre côté de l’Atlantique, Barrieu n’en oublie pas la France et le championnat de Ligue 1 qu’il suit régulièrement. Le préparateur physique a déjà eu des contacts dans le passé avec le club de sa région natale, le FC Metz. Peut-on imaginer le voir rentrer en France à l’avenir? “J’ai l’envie d’un projet en France un jour, oui, même si je suis très bien où je suis actuellement”.