Entre le Cirque du Soleil, les 7 Doigts ou encore l’école nationale de cirque (ENC), Montréal reste une étape incontournable en arts du cirque pour les Français et Françaises qui rêvent d’en faire carrière.
« Quand j’étais petit, je regardais les spectacles du Cirque du Soleil qui passaient sur Arte [chaîne de télévision franco-allemande], se souvient l’artiste de cirque français spécialisé en tissu aérien, Antoine Boissereau. Quand je regardais le travail des gens de l’école de cirque de Montréal sur YouTube, ils avaient tous des numéros solos très forts qui mélangeaient la danse contemporaine et le cirque. »
Antoine Boissereau, qui se produit à Broadway dans le cadre de la pièce Water for Elephants pour la compagnie des 7 doigts, est un ancien élève de l’ENC. Après avoir complété le baccalauréat sport-étude de Châtellerault, le Français s’est envolé à Montréal pour y passer les auditions. Tout comme beaucoup d’autres qui, chaque année, rejoignent la communauté circassienne de Montréal.
Guillaume Biron et Naël Jammal, respectivement ancien trapéziste et équilibriste, sont eux aussi des diplômés de Châtellerault. Friands de technique et de création, les deux artistes ont rejoint les rangs de l’ENC, quelques années plus tôt, pour y parfaire leurs arts.
« [L’ENC] est la seule école où il y a un élève pour un enseignant. Et le niveau d’aérien – sangle, tissu, corde, cerceau – est très élevé, voire le plus élevé », affirme Antoine.
Le chorégraphe de patinage artistique Thomas Rochelet, désireux de donner un « nouvel élan » à sa carrière, a traversé l’océan pour suivre des cours privés avec un des entraineurs de l’ENC spécialisé en sangle aérienne. « Les Montréalais ont toujours le style de cirque nouveau, avec des circassiens un peu en avance sur leur temps. Alors qu’en Europe, c’est plus old school », explique-t-il.
Selon l’équilibriste Jonathan Victoria, issu d’une lignée de circassiens depuis quatre générations, le Québec parvient à trouver un « juste milieu » entre le cirque traditionnel et contemporain. « En France, je viens d’une forme très traditionnelle de cirque : des spectacles de types cabaret avec des numéros qui s’enchainent sans forcément avoir de trames narratives, explique-t-il. Il y a aussi des formes de spectacles très contemporaines, très abstraites. Au Québec, c’est un juste milieu entre les deux. »
Si le Cirque du Soleil s’est imposé sur le devant de la scène internationale depuis sa création il y a 40 ans, d’autres compagnies phares ont émergé dans son sillon à Montréal à l’instar du Cirque Éloize ou de la compagnie des 7 doigts.
Les écoles de cirque au Québec agissent d’ailleurs souvent comme passerelle vers ces gros joueurs de l’industrie. « J’ai enseigné une dizaine d’années à l’ENC et, pendant les épreuves de synthèses [les numéros finaux des étudiants], on voyait des producteurs de Russie, d’Allemagne, des cabarets d’un peu partout et qui n’étaient jamais déçus de la qualité de la prestation des étudiants », souligne le professeur en Études françaises à l’Université de Concordia, Patrick Leroux.
D’autres lieux peuvent aussi servir de tremplin aux artistes, tels que Montréal Complètement Cirque ou le Monastère, un cabaret bien connu par la communauté. « Tous mes contrats que j’ai décrochés partent de là et des gens qui m’y ont vu performer. C’est vraiment un moment de réunion de la communauté et une super plateforme pour montrer ta couleur », estime Antoine.
D’autres artistes choisissent, quant à eux, de travailler à leur compte, comme la pratiquante de cerceau aérien Léa Grenier et le clown professionnel Thomas Niess.
Selon Léa, ce fonctionnement octroie plus de liberté de création, contrairement aux artistes engagés dans des cirques qui doivent se contenter de scripts imposés. Toutefois, ce statut requiert de « savoir se vendre », rappelle-t-elle. « Une performance de cirque c’est entre 800 et 1000 dollars. C’est normal après, il faut amortir le matériel, payer la main d’œuvre qui m’aide à le monter et me payer moi », dit-elle.
Thomas, de son côté, a joué son spectacle « Cirk’Alors » une quarantaine de fois en un an. Malgré ce succès, celui qui s’est installé au Québec il y a 4 ans, déplore la difficulté d’obtenir des subventions publiques pour créer de nouvelles performances : « Je remonte une nouvelle création et là, c’est difficile. Contrairement à la France où les aides de l’État sont plus faciles à avoir ».
« Nous avons un système moins bien rodé, mais nous attirons quand même beaucoup d’artistes français […] qui avaient envie de faire évoluer leur carrière et de découvrir le système nord-américain », note M. Leroux.