Français par son grand-père, Michel de Broin, qui a habité dix ans en Europe, a la double nationalité canadienne et française. Cet automne, il a installé une boule de disco géante au Havre en France et a inauguré sa nouvelle exposition à la Galerie Division de Montréal. Le plasticien, dont on peut notamment admirer certaines oeuvres d’envergure dans les rues de Montréal, nous a reçus dans son atelier au coeur du Mile End.
En 2013, La Presse le disait plus connu en Europe qu’au Québec. Depuis, il a eu droit à une rétrospective au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) et ses oeuvres d’art public ont transformé des paysage urbains en France, au Canada et ailleurs.
À Paris, il a hissé sur une grue la plus grosse boule disco réfléchissante du monde (7,5 mètres de diamètre) pour son oeuvre lumineuse “La Maîtresse de la Tour Eiffel“, en 2009. “Quand j’ai proposé ce projet, je ne savais pas trop ce que cela allait donner”, confie le plasticien. Le résultat a révélé la ville sous un autre jour.
“C’était très beau car le Jardin du Luxembourg n’est pas éclairé la nuit. L’effet lumineux du déplacement de la lumière qui révèle des parties du paysage était incroyable, commente Michel de Broin. La boule c’est un objet qui réfléchit la lumière, comme la lune. C’est assez fantastique une boule disco et là on le fait à l’échelle du paysage, suspendue par une grue. Avec les projecteurs puissants, la dimension de la boule qui a 1000 facettes, cela a produit un effet assez spectaculaire dans l’espace, à l’échelle de la ville“. Un projet tellement apprécié en France que Bordeaux, puis tout récemment Le Havre, ont chacune à leur tour commandé à l’artiste l’installation d’une boule disco géante.
À côté de ces installations temporaires en France, l’artiste a également installé ses oeuvres dans plusieurs villes autour du monde et notamment chez lui au Canada, durablement ou non selon les cas.
À Montréal, vous avez peut-être pu tester son installation “Seuils“, installée pour trois mois en 2017, réalisée avec les portes de vieilles voitures de métro s’ouvrant les unes après les autres pour offrir aux promeneurs un passage inédit dans un mouvement ondulatoire. “C’est une expérience positive finalement car la porte est un peu comme une contrainte, on a parfois l’impression qu’elle va se refermer sur nous. Là le monde s’ouvre et se referme derrière soi“, commente l’artiste. En février 2019, cette oeuvre sera installée à Ottawa, dans un espace intérieur cette fois.
Depuis l’année dernière, son oeuvre monumentale “Dendrites” s’offre également aux passants boulevard Bourassa, à côté de l’OACI et de la gare Bonaventure. Les deux sculptures en escalier de couleur ocre, qui évoquent à la fois des branches d’arbres massifs et des neurones, permettent de voir la ville sous un nouvel angle. “C’est une expérience pour les piétons, commente Michel de Broin. Cela donne un accès au paysage, un point de vue qu’on n’a pas (…). Les dendrites sont des connections neuronales, elles sont agrandies 100.000 fois pour qu’elles soient à l’échelle du paysage. Les gens qui circulent sont un peu comme des influx nerveux qui vont chercher l’information (…). Il y a un caractère un peu monstrueux, ce qui est assez rare en art public“. Une oeuvre et un pari très réussis.
Avec ses créations, Michel de Broin, plasticien du paradoxe, crée un questionnement. Une démarche qui n’est pas toujours évidente en matière d’art public, volontiers consensuel. “Je fais toujours des projets un peu dérangeants (…), complexes, surprenants, confie l’artiste. L’art public doit faire l’objet d’un consensus (…). Je pense qu’en même temps il faut inventer un contexte, créer son public. Il ne faut pas faire ce que les gens veulent, il faut faire ce qu’ils ne connaissent pas encore, les amener quelque part“.
Pour l’exposition solo “La conduite des conduites“, présentée à la Galerie Division de Montréal jusqu’au 17 novembre, Michel de Broin explore à nouveau le paradoxe, à travers cette fois des ampoules, des tuyaux et des tubes. Sous les mains du plasticien, des objets techniques prennent la forme de corps sensibles et présentent des anomalies, comme ces canalisations qui s’entortillent en formant des noeuds. “Dans une sculpture c’est intéressant de voir jusqu’à quel point on peut lier des idées qui peuvent être en tension (…), commente l’artiste, évoquant en l’occurence l’organique et le technique. Les noeuds représentent un peu notre présence dans un système (…). Ils sont comme le prolongement d’un réseau et deviennent devant nous un peu comme des organes“.
Dans d’autres oeuvres de l’exposition, l’artiste a également brisé des ampoules avant de les disposer de façon ordonnée dans des cadres. “Cela peut être vu selon différents points de vue mais l’ampoule éclatée fait penser à la fois à la question de l’obsolescence de ces objets techniques qui ont une durée de vie programmée, explique Michel de Broin. Cela peut être vu comme des idées qui se sont ruinées, comme ça. J’aime beaucoup le jeu entre la rigidité de la grille et le côté imprévisible de la manière dont les ampoules se brisent“.
Son prochain projet ? Trois pistes cyclables pour la Biennale de Vancouver, créées par la chute arbitraire d’une corde reproduite à l’échelle du paysage. Des sentiers sinueux au tracé inattendu en écho à l'”Entrelacement” réalisé pour le Canal de Lachine à Montréal, à explorer à partir du printemps prochain à Vancouver.