Lancé au début du mois, Le Bercail est un espace de pratique nomade, gratuit et accessible aux danseurs professionnels et artistes du mouvement. Initié par trois danseurs – Charles Brecard, Léa Noblet Di Ziranaldi et Marilyne Cyr, ce projet se veut inédit et ressourçant pour les artistes en crise actuellement.
« On parle toujours de la communauté de la danse, mais il n’y en a pas à mon sens », lance Charles Brecard. Pour le jeune artiste d’origine calédonienne qui vit à Montréal depuis 7 ans, les possibilités après l’école de danse restent encore très minces. « Pour avoir accès à un studio, soit il faut faire partie d’une compagnie, soit il faut payer, soit il faut avoir été pris pour une résidence. Un endroit libre d’accès et gratuit, ça manquait ici », poursuit-il.
Léa Noblet Di Ziranaldi a fait le même constat suite à l’obtention de son diplôme en danse contemporaine décroché il y a deux ans. Un constat d’autant plus frappant avec la pandémie. « Ça a exacerbé le manque de connexion entre les artistes. J’ai vraiment réalisé qu’on n’avait pas de lieu pour s’entrainer et rester connecter avec notre milieu », explique la jeune artiste originaire de Lyon.
Accompagnés d’une amie elle aussi danseuse, Marilyne Cyr, les deux artistes décident de lancer leur propre projet : un espace gratuit où les danseurs professionnels peuvent venir s’entrainer, se rencontrer, échanger. L’idée, c’est que chacun puisse faire ce qui lui tente. Certains peuvent pratiquer en solo dans leur coin, d’autres travailler en petits groupes sur une phrase chorégraphique ou un échauffement commun. « C’est vraiment beau à voir, c’est super organique. Tout se fait naturellement, quelqu’un lance la musique, un autre propose des exercices », se réjouit le cofondateur en évoquant la première session qui a eu lieu au début du mois. Pour Léa, Le Bercail permet de retrouver le plaisir de la danse, parfois perdu à cause des impératifs du milieu. « Quand on est en studio, c’est pour travailler ou passer une audition alors parfois, on oublie l’essence même de ce pour quoi on danse », confie la jeune artiste.
Bâtir une communauté
En plus d’un espace à partager conçu pour la danse, Le Bercail souhaite aussi réunir les artistes afin qu’ils partagent et échangent sur leur projet et leur situation.
« Inconsciemment, il y a toujours de la compétition, on dit pas forcément sur quoi on travaille, quelle audition on va passer et on se croise seulement dans les couloirs des studios alors on se parle pas vraiment. Au Bercail, on peut aussi venir simplement pour discuter, apprendre à se connaitre et donc bâtir une vraie communauté », poursuit Léa. Bien qu’initié par des danseurs contemporains, Le Bercail s’adresse à tous les professionnels du mouvement. « On triperait de voir des circassiens, des comédiens, des danseurs de flamenco… ça ferait des beaux mix, de belles rencontres », souhaite-t-elle.
Pour l’instant, 6 studios de danse et maisons de la culture de Montréal ont embarqué dans le projet du Bercail. Généreusement, ils offrent leurs espaces, pour le moment inoccupés. « Les studios sont vides alors il faut en profiter ! Puis ça permet de mettre en relation des salles de spectacles et des artistes alors ça leur fait une sorte de pub finalement », explique Charles. Pour l’instant, Le Bercail va pouvoir proposer gracieusement des studios jusqu’en avril et est toujours en quête de nouveaux partenaires.
Pour les deux initiateurs, l’aspect nomade du projet permet d’aller à la rencontre d’artistes de tous les quartiers, de différents styles et divers milieux, mais aussi de se décentrer de la fameuse Place des arts. À long terme, un espace sédentaire pourrait tout de même leur plaire. « Ça deviendrait notre repère, un lieu où on se sent comme à la maison, un endroit de rencontres, d’échanges toujours ouvert pour tout le monde », s’imagine Léa.
Quelle que soit la forme du Bercail, Charles espère que cette initiative permettra de créer une « réelle communauté, plus soudée et solidaire », car pour lui le milieu de la danse contemporaine reste encore très « élitiste ». « C’est difficile d’être heureux et créatif dans un environnement précaire et compétitif, conclut-il. En connaissant les gens, ce qu’ils font vraiment, ça va stimuler d’autres choses et créer de l’entraide j’espère ».