Cela faisait plus 5 ans qu’elle n’était pas venue au Québec. Laure Adler, journaliste et auteure féministe bien connue dans l’Hexagone, était de passage à Montréal le 31 janvier pour La Nuit des Idées et pour un entretien à la librairie Gallimard. Elle en a profité pour donner une conférence de presse ce 1er février, on y était. Petite leçon de féminisme.
“Même si nous parlons la même langue, j’ai l’impression que nous n’avons pas le même rapport à l’art, à la culture, à la bienveillance (…). Les gens ont l’air beaucoup plus gentils qu’en France et d’être plus à l’écoute aussi. Ça fait du bien quand même ! (rires)”, a lancé Laure Adler pour commencer son point presse organisé à la Galerie de l’UQAM.
Interrogée sur le débat auquel elle a participé durant La Nuit des Idées — sur les femmes et leur place au sein des arts et dans la société —, elle a apprécié pouvoir échanger avec la “jeune génération”. “Ils ont un autre rapport au fait d’être femme et à la condition féminine. Même si, à mon avis, ce n’est pas assez militant”, a rapporté la Française, frappée par le fait que certaines jeunes femmes se justifient de ne pas être “contre” les hommes, de leur être “complémentaires” ou d’en être “leur moitié”.
“Moi je fais partie d’une génération qui a considéré que le féminisme c’était d’abord pouvoir se retrouver entre femmes”, a lancé la militante sexagénaire rappelant que son mari de l’époque, “un intello soit-disant de gauche”, ne supportait pas de devoir s’occuper des tâches ménagères ou des enfants lorsqu’elle désertait le domicile conjugal. “Je pense que le combat féministe passe d’abord entre femmes et on ne va pas, en tant que féministes, passer notre temps à dire du bien des hommes. Ce ne sont pas des ennemis mais voilà…”.
Quant aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes, en France et ailleurs, elle s’interroge encore. “Qu’est-ce qui peut autoriser des êtres de raison comme nous à perpétuer cette injustice ?”, a lancé la journaliste aussi inquiète de la montée de la violence entre filles et garçons dans les cours de récréation. “Tout ce qui touche aux genres, c’est à dire à l’existence en tant qu’être humain sans identité sexuelle avancée, crée des drames. On se souvient encore de l’enfer de la manif’ pour tous en France, ils existent toujours ces gens-là”.
Après avoir mentionné qu’en France, dans l’espace public, la culture virile était encore très dominante, l’écrivaine a rappelé que les droits (des femmes) n’étaient jamais acquis et le travail des femmes artistes, encore peu (re)connu. “La visibilité des femmes dans les galeries et dans les grandes institutions, en France, représentent moins de 17%. La cote des femmes est dévalorisée par nature. À part Louise Bourgeois qui, parce qu’elle est décédée, doit être sur-cotée…”.
“Un bon écrivain est un écrivain mort”, dit l’adage. Quid des écrivaines et autres femmes artistes ? Faut-il attendre qu’elles soient mortes pour parler d’elles ? “Surtout pas” si l’on en croit Laure Adler. Lisez, jeunesse.