Depuis le 22 juin 2017, Kareen Rispal a pris ses fonctions à Ottawa en tant que nouvelle ambassadrice de la France au Canada. C’est d’ailleurs la première fois depuis 1928 qu’une femme est nommée à ce poste: une occasion parfaite de mener à bien ses missions de diplomate également membre du Haut-Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Enfant, elle voulait être “french doctor” pour contrer les famines en Afrique ou architecte parce que l’idée de bâtir et de construire l’a toujours fascinée. “Je ne rêvais pas d’être diplomate mais dès qu’il y avait une querelle familiale, j’étais aux négociations… J’avais déjà ce goût de l’intermédiation.” Avec le recul, elle avoue que le métier de diplomate, c’est un peu la réconciliation de ses rêves d’enfant. “Cela consiste à bâtir un monde où les êtres humains vivraient en paix, donc mon parcours est logique finalement”, confie Kareen Rispal, heureuse et fière d’être la première ambassadrice femme française au Canada.
Son rôle? “J’ai pour mission d’expliquer les réformes entreprises par la France et la vision que notre pays possède de la scène internationale à l’heure où le monde est extrêmement chahuté”, explique Kareen Rispal qui a prévu de faire le tour du Canada pour dialoguer avec ses habitants. “Ils partagent cette même vision du monde, cet engagement de la France et du Canada en faveur du multilatéralisme. Nous avons les mêmes valeurs, le dialogue est forcément intéressant.”
“Batailler contre les stéréotypes du béret et de la baguette”
Si elle passe une bonne partie de son temps à “expliquer la France” et à “batailler contre les stéréotypes du béret et de la baguette”, elle doit aussi expliquer le Canada à la France: ses bonnes pratiques et ses politiques dont il serait bon de s’inspirer. “On a beaucoup à apprendre des deux côtés! Je suis un passeur entre les entreprises, entre les acteurs culturels, économiques et politiques”, confie l’ambassadrice.
Quant aux sujets plus sensibles, comme cela a pu être le cas avec les États-Unis dernièrement (sur le climat avec les Accords de Paris par exemple), Kareen Rispal s’attache à trouver de nouvelles modalités de dialogues. “En ce moment, les États-Unis semblent être un peu plus protectionnistes et en recul dans la gestion des affaires du monde tandis qu’en Europe on rebat les cartes avec le Brexit: je pense donc que le Canada et l’Europe ont beaucoup de choses à faire ensemble et à se dire, et en particulier le Canada et la France.”
Interrogée sur l’augmentation du nombre de Français au Canada et en Amérique du Nord en général, l’ambassadrice y voit surtout un facteur de vitalité et de dynamisme. “Ce sont des Français qui nous interpellent et qui, au fond, nous challengent! Ils nous montrent quelles sont les bonnes pratiques qui peuvent nous inspirer: c’est un lien fondamental qu’il faut garder. Ils nouent cette relation économique et culturelle au quotidien, ce sont des ambassadeurs de la France comme moi!”
CETA, Innovation et G7
Parmi les dossiers importants qui remplissent son agenda : l’Accord économique et commercial global (AEGC) ou Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) appliqué provisoirement depuis le 21 septembre 2017 mais également l’innovation.“La France est un pays qui est en avance sur beaucoup de sujets, à l’image de la Station F qui vient d’ouvrir à Paris, il faut le faire savoir. J’ai très hâte d’avancer sur ce dossier”, explique l’ambassadrice, déjà frappée par la vitalité de l’écosystème des startups canadiennes et de l’usage de l’intelligence artificielle à Montréal, Toronto et Vancouver.
Quant à la question du genre et de la diversité, le Canada assurera la présidence du G7 en 2018 (ce sera ensuite au tour de la France en 2019) et en profitera pour accorder une large place au dossier. “C’est aussi l’un de mes axes d’action”, confie simplement Kareen Rispal pour qui l’égalité des droits est une préoccupation principale et considère le Canada comme un laboratoire intéressant sur le sujet. “Toutes mes interlocutrices sont des femmes à l’image d’Isabelle Hudon, la nouvelle ambassadrice du Canada en France ou de Julie Payette, la gouverneure générale du Canada! Je trouve que c’est très assumé ici, la place des femmes ne fait pas débat”, constate Kareen Rispal, consciente que tout n’est pas encore parfait.
“Lorsque certains qualifient Mme McKenna, la Ministre canadienne de l’Environnement et du Changement climatique, de” climate barbie” cela me choque profondément et me surprend de la part d’un pays comme le Canada. Mais cela veut dire que les stéréotypes ont la vie dure et qu’il y a encore du travail à faire.”