Discret mais connu des habitués, le Kafé Kafta situé au 209 avenue Fairmount dans le Mile End, dévoile un espace convivial avec des plats qui vous rappelleront peut-être des souvenirs. Le propriétaire ? Richard Onufryk, 55 ans, maître des lieux depuis la fin des années 90. « Je fais partie des murs du Mile End ! J’étais le premier à travailler avenue Fairmount », nous a raconté le Français en nous servant un thé à la menthe marocain, sur fond de jazz new-yorkais.
Voyageur et apatride
Au milieu des années 90, Richard Onufryk, alors ingénieur en télécommunication, décide de quitter la banlieue parisienne de la Seine-Saint-Denis. « J’en avais marre du climat social et du racisme ambiant, je suis parti en Guadeloupe quelques temps », raconte celui qui s’est toujours considéré comme un “apatride”. Aux Antilles, il rencontre une Canadienne qui lui donne envie de découvrir Montréal. La suite est simple : il rentre à Paris, fait ses papiers et débarque dans la Belle Province. Il travaille quelques temps chez Bombardier et finit par changer d’orientation professionnelle. « J’avais un ami qui tenait un restaurant, le 25e avenue (NDLR : qui deviendra le Kafé Kafta), il m’a invité à l’aider en cuisine. C’est là que j’ai commencé en autodidacte », se souvient celui qui avait l’habitude de préparer des sandwichs pour les lunchs des élèves du Collège français, situé juste à côté.
Après le décès de son ami, aussi propriétaire des lieux, il décide de racheter le restaurant et de se lancer dans la gastronomie orientale : le Kafé Kafta était né. « Je me suis retrouvé tout seul en cuisine. J’ai appris moi-même certaines spécialités marocaines et algériennes avec des amis restaurateurs. » Les collégiens du Collège Français sont devenus des habitués, les curieux d’un jour sont devenus des nouveaux clients.
« Quand un habitué entre, je sais exactement ce qu’il va prendre, il n’a pas besoin de me le dire », avoue l’ex parisien qui a réussi à diversifier sa clientèle avec son fameux couscous (on vous le recommande). D’autres plats sont évidemment proposés : tajines de veau aux pruneaux ou au poulet/citron confit en passant par le couscous jarret d’agneau. Mais aussi des créations atypiques mélangeant le Québec et le Maghreb comme avec la “poutine merguez”.
” Le frère de Justin Trudeau vient manger incognito”
« Dans cet établissement, il y a un état d’esprit, une aura », déclare le patron d’origine polonaise, dont les habitués savent à quoi s’attendre en poussant la porte du Kafé Kafta. Et lorsqu’il y a du monde, rien ne presse. « Même s’il y a un gros rush, les clients attendent. Ils le savent », explique le cuistot, ravi de compter le frère du Premier ministre canadien parmi ses clients. « Le frère de Justin Trudeau vient manger incognito au restaurant, il prend toujours son sandwich merguez et sa canette », raconte Richard qui en a vu d’autres, comme le kick-boxeur canadien Georges St-Pierre déjà venu “une ou deux fois”.
À 55 ans, Richard Onufryk pense déjà à prendre sa retraite. Ce voyageur qui a visité le Maroc, le Cameroun, et plus récemment la Turquie, prévoit de finir ses jours en Afrique. Et pourquoi pas ouvrir une poutinerie à Istanbul, entre temps ? L’avenir lui dira.