-20 degrés Celsius, voire -30 ressentis… L’hiver est clairement installé au Québec, et pour longtemps ! Une question plane sur toutes les lèvres (gercées) : peut-on réellement s’habituer au froid extrême ? Denis Blondin, chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) brise la glace autour de ce mystère.
Au risque de décevoir les nouveaux arrivants qui comptent s’acclimater au froid en moins de deux, le phénotype – l’ensemble des traits observables d’un organisme – varie en fonction des origines. Ainsi, quelqu’un né dans l’Arctique aura une réponse plus adaptée au froid que quelqu’un qui viendrait d’une région tropicale, car son corps produira naturellement plus de chaleur. Et cette capacité d’adaptation se répercute sur l’apparence physique des populations. « Si les personnes venant d’Afrique ont tendance à être plus allongées, plus fines pour avoir moins chaud, les gens du Nord, eux, sont carrés pour justement conserver la chaleur », explique Denis Blondin, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke.
À moins d’être né dans le grand Nord, il est très peu probable de « s’habituer » totalement au froid extrême. Au contraire, le corps humain est mieux conçu pour résister au chaud que les autres mammifères, grâce notamment à sa capacité d’évacuer la sueur. Ainsi, une personne du Nord qui déménagerait au Sud s’adapterait « mieux » que le cas inverse. Même si avec le temps, un individu peut s’habituer à des températures plus rigoureuses que ce qu’il aurait connu précédemment, il gardera toujours son apparence physique d’origine… « ce qui peut être un défi pour se protéger du froid », précise Denis Blondin.
C’est au début de l’hiver que s’observe la plus grande réponse. « Pour maintenir la température interne constante, une vasoconstriction s’opère, envoyant le sang vers les organes vitaux », détaille le professeur. Quant à la deuxième « réponse » du corps, elle se situe au niveau de l’épaississement du tissu adipeux brun – la « graisse brune » – présent chez tous les mammifères et particulièrement chez les rongeurs. Sa seule fonction est de produire de la chaleur. « Les bébés en ont beaucoup, puis cela a tendance à s’estomper chez l’adulte, mais on peut en reformer pendant l’hiver. Un tissu de 50g pendant l’été doublera à 100g la saison froide venue. »
Ces tissus, qui contrôlent le glucose dans le sang, auraient selon certains chercheurs, un rôle contre l’obésité. « Cela peut aussi être lié aux contractions musculaires que l’on a tendance à faire quand il fait froid : les muscles consomment plus d’énergie. » Ainsi, le froid améliorerait le contrôle du glucose pour les diabétiques ou encore réduirait le risque de diabète gestationnel pour les femmes enceintes.
Notre métabolisme serait même augmenté de 80% pendant l’hiver en moyenne ! « Mais le froid augmente aussi l’appétit », met en garde le chercheur. « On a tendance à manger plus de gras l’hiver. Or, les diètes des pays du Nord sont aussi plus riches en graisses. » S’il n’y a pas de lien évident entre températures basses et longévité, il a été remarqué que les populations qui s’exposaient à des extrêmes de températures auraient moins de risques cardiovasculaires. C’est le cas notamment des Finlandais ou des Japonais, deux populations qui pratiquent l’alternance de chaud et froid lors de saunas ou bains extérieurs l’hiver.
Quoiqu’il en soit, le froid est utilisé en médecine. Par exemple, lors d’un arrêt cardiaque, on met le corps en hypothermie pour protéger le cerveau et le cœur.
Pour le chercheur, la meilleure chose à faire par températures négatives, c’est de ne pas avoir peur d’avoir froid. « Les gens mettent trop de chauffage dans leur voiture ou à la maison. Ils s’appuient sur ces sources externes de chaleur mais ne se fient pas au corps ! » Denis Blondin insiste sur la bonne capacité des humains à se défendre contre le froid : « Mais si on n’utilise pas notre système, il devient plus difficile de se remettre en route ! » Il conseille, surtout au début de l’hiver, de se permettre une exposition au froid. « En novembre, à 5 degrés, les gens sont en manteaux… mais à la fin de l’hiver, à la même température, vous voyez les mêmes en chandail ! »