Véritable routard de l’alimentation, le Français Philippe Mollé a posé ses valises au Québec dans les années 80. Tout à la fois conférencier, auteur, chroniqueur, critique culinaire, le chef vient surtout de reprendre depuis le 30 janvier les fourneaux du bistro L’Arrivage, au Musée Pointe-à-Callière.
Son arrivée au Québec
« Au départ, j’ai été exproprié de la ville de Papeete, à Tahiti, parce qu’on construisait un hôpital sur les lieux de mon restaurant ! » raconte Philippe Mollé. Fort heureusement, il a, à cette époque, de bonnes relations avec un client qui se trouve être l’ambassadeur du Canada, un lien qui favorise son installation au Québec. « Il m’a surtout aidé pour rentrer à l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec (ITHQ), en charge du centre de recherche. C’est comme ça que je suis arrivé ici. »
De Tahiti à Montréal, le Français opère un changement radical ! Philippe Mollé travaille cinq année à l’ITHQ (une institution ici) et enchaîne par la suite les expériences professionnelles : avec le gouvernement, il est mandaté à plusieurs reprises pour ouvrir des écoles hôtelières dans le monde entier, puis pour organiser des grandes soirées dans des hôtels à Tokyo, Pékin…
Le Français le reconnaît : il n’a pas été difficile pour lui de se faire une place au Québec. « Étant critique de restauration, j’ai eu l’opportunité d’écrire dans le journal “Le Devoir” pendant 19 ans. Puis j’ai eu la chance d’avoir ma propre émission de télévision à travers le monde qui m’a permis d’être diffusé au Vietnam, au Cambodge… » En parallèle, depuis vingt ans, il travaille aussi à Radio Canada tous les samedis matin. Forcément, il a acquis une certaine notoriété !
Un Français “Grand ambassadeur de l’érable”
Il a même été récemment désigné Grand ambassadeur de l’érable. Un titre qui entérine sa grande connaissance de cet or brun unique et typique de la Belle Province. Car à son arrivée au Québec, Philippe Mollé s’est réellement intéressé à la chose, en étudiant toute son histoire et en développant des recettes uniques. « Avec l’une de mes compagnies, on travaillait beaucoup sur l’innovation à partir de l’érable. » Il en a fait une spécialité. Certains de ses plats signatures sont centrés spécialement sur le sucre, le sirop et tous les produits dérivés de l’érable, afin de le faire découvrir aux touristes et redécouvrir aux locaux, car comme le déclare le chef, « l’érable coule dans les veines de tous les Québécois ».
Une France jamais très loin
Cela n’empêche pas pour autant ce touche-à-tout culinaire de rester fidèle à ses racines. En cuisine, il s’inspire largement de l’influence française. « Ma cuisine est à l’image des bistros traditionnels français, comme les bouchons lyonnais », affirme Philippe Mollé, qui poursuit avec enthousiasme que « ses plats sont faciles mais goûteux ». Une mission qu’il entend bien perpétuer à L’Arrivage, dans cette salle bercée de lumière naturelle, où la vue sur le Saint-Laurent est exceptionnelle. « Mon objectif est d’arriver à faire des plats peu chers, rapides et conviviaux. »
« Bien comprendre les minorités »
Cette double casquette lui permet désormais de jouer avec les produits d’ici, un impératif pour le nouveau patron de l’Arrivage qui utilise beaucoup de produits québécois, retravaillés “à la française”. Son bistro étant situé dans le musée Pointe-À-Callière dédié à l’histoire et à l’archéologie de Montréal, le chef mise beaucoup sur la communication avec les populations autochtones. « Je travaille sur un mandat avec les femmes autochtones pour valoriser les produits de la forêt boréale, sur la côte Nord. » Le Québécois d’adoption explique également qu’il est à leur écoute et qu’au-delà de l’aspect professionnel, c’est aussi un intérêt personnel qui lui permet de mieux comprendre les civilisations autochtones. « C’est important quand on vit dans un contexte canadien et surtout québécois, de bien comprendre les minorités pour pouvoir ensuite les intégrer à notre philosophie. »
L’Arrivage désire aussi proposer une cuisine en lien avec la programmation du musée. Pour faire écho à l’exposition du moment, consacrée aux Incas, Philippe Mollé met au menu des plats d’inspirations péruviennes.
Et dans une même démarche, le baroudeur-gastronome choisit de préférence « les produits des petits producteurs, ce qui met en avant les circuits courts et par la même occasion défend l’écologie. » Un discours qu’il assume pleinement :« L’idée, c’est de se mettre un peu contre les grosses multinationales qui nous envahissent. »