Surnommé à l’époque le maudit français dans les cercles de la mixologie, Eddy Germain est aujourd’hui célébré comme le pirate de l’industrie… Peut-être à cause des tatouages qui ornent son bras droit, mais surtout pour la place éminente qu’il s’est faite au fil des années. Passant du jonglage de bar à la création d’un speakeasy de référence, l’entrepreneur a plus d’un tour dans son sac. Il vient de créer son propre navire, Le Crimson, un concept fusionnant bar et salon de tatouage.
Eddy Germain est arrivé de France en 2011, à l’âge de 21 ans. Treize ans plus tard, il connaît l’industrie du bar dans les moindres recoins.
Dans ses débuts au Québec, il a d’abord travaillé comme commis dans un bar. Cependant, sa passion pour les arts de la scène et la musique a resurgi lorsqu’il a franchi les portes du LAB, une institution qui a fermé ses portes depuis. Dans cette antre du cocktail, il a rencontré Fabien Maillard, le mixologue et flair bartender qui allait devenir son mentor. « J’ai vu un grand monsieur jongler avec des bouteilles, cracher du feu et faire des cocktails, j’ai réalisé que je voulais faire ça de ma vie », se remémore Eddy Germain. Il raconte l’avoir approché « au culot » et s’être fait offrir un poste de serveur avant de devenir manager un an plus tard.
En 2015, son carnet d’adresses bien garni et ses compétences enrichies, Eddy Germain a imaginé et fondé le 4e Mur, un bar speakeasy inspiré de l’époque de la prohibition. Cet établissement est aujourd’hui une référence à Montréal. Le concept fait d’ailleurs écho à son amour pour le théâtre. « Je l’ai appelé le 4e mur parce que le bar est comme une scène, quand on parle avec nos clients, on brise le quatrième mur », explique-t-il.
À cette époque, la mixologie était en pleine émergence. Les distilleries commençaient seulement à fleurir dans la province. « Au début les gens buvaient leur Guinness et leur Jameson, et on leur a appris à boire un Old Fashion », ajoute-t-il. Ce dernier préfère d’ailleurs l’appellation bar chef, considérant l’art du cocktail comme la version liquide de la cuisine.
La même année, il a fondé l’École du Bar de Montréal. « Cela ne sert à rien de garder le savoir pour nous, autant qu’on le partage en même temps », affirme l’entrepreneur qui a enseigné pendant plus d’un an la mixologie à une vingtaine d’apprentis par semaine. « C’est un peu comme leur ouvrir la première porte et les mettre sur la première marche », précise Eddy Germain.
Progressivement, Eddy Germain s’est tourné vers des postes de gestion. Il a été consultant pour des restaurateurs, gérant et directeur de plusieurs établissements. Il souhaite désormais développer des affaires en famille.
« Au Québec, c’est facile d’ouvrir un bar ou un restaurant, mais les gens ont besoin d’une expérience, de découvrir quelque chose qui sort de l’ordinaire », poursuit Eddy Germain.
Suivant cette logique, il a décidé d’ouvrir Le Crimson il y a deux mois. Niché à moitié sous terre, ce bar ressemble étrangement à une cale de bateau. Des soirées salsa en Amérique latine au jazz de la Nouvelle-Orléans, Eddy Germain y organise de nombreux événements qu’il qualifie de voyages.
« Tu peux autant boire ta Pabst à 8$ que boire un cocktail à l’huile de truffe à 25$ », renchérit le capitaine du navire, qui souhaite attirer une clientèle variée au Crimson et lui partager son amour pour la gastronomie du cocktail : « Tu peux boire moins mais boire mieux, goûter de bons produits, ne pas avoir mal à la tête le lendemain et passer un bon moment. »
Et comme tout repaire de corsaires qui se respecte, la cale du navire dissimule un salon de tatouage où se graver la peau de récits d’aventures.
« Les gens ont parfois peur d’entrer dans les salons de tatouage alors qu’il est plus simple d’entrer dans un bar, de boire une petite bière, de consulter la bibliothèque des artistes du salon et de commencer à réfléchir à un tatouage », pense Eddy Germain qui offrir une entière liberté de se faire tatouer ou non.
« Les gens pensent que tu rentres dans le bar et que tu te fais tatouer au milieu de tout le monde, mais ce n’est pas ça », précise ce dernier. Bien que le Crimson propose certaines soirées tatouage jusqu’à 3 heures du matin, ces événements sont strictement encadrés. Une hôtesse veille à ce que les clients soient en état au moment de se faire tatouer.
Et l’année prochaine, Eddy Germain part à l’abordage de la Rive-Sud de Montréal pour y ouvrir un comédie club. Après avoir marqué la scène des cocktails à Montréal, peut-être dynamisera-t-il la vie nocturne de Longueuil ?