On ne vous le souhaite pas, mais le divorce peut faire partie des étapes de la vie, et de l’expérience d’expatriation. Comment met-on fin au mariage au Québec ? Quelles sont les différences avec la France ? Nicholas Teasdale, avocat au barreau de Montréal, nous aide à y voir plus clair.
Au Canada, la loi sur le divorce est fédérale, c’est-à-dire qu’elle est commune à tous les États. « C’est important de le savoir, car dans d’autres provinces, régies par la common law, il peut y avoir des conventions d’arbitrage, ce qui est impossible au Québec », explique Nicholas Teasdale. Car la Belle-Province a un système juridique mixte, à savoir un droit civiliste (comme en France), mais « à la Cour, mieux vaut avoir des cas qui soutiennent votre position ». C’est dit !
Justement, la Cour, les résidents du Québec qui divorcent ne la voient pas tant que ça. « La plupart du temps, les gens s’entendent et ça se déroule uniquement chez l’avocat », précise l’homme de loi. Car au Québec, il n’existe que trois “motifs” valides pour divorcer : vivre séparément depuis au moins un an, l’adultère (“avoir des relations sexuelles avec quelqu’un d’autre que son époux ou épouse”) et la cruauté (violence physique ou morale). Dans les deux derniers cas, seule la personne victime peut demander le divorce : « Il faut apporter la preuve. »
Ainsi, la majorité des divorces se règle dans le premier cas de “divorce conjoint”, raconte Nicholas Teasdale : « Les gens se mettent d’accord, l’avocat rédige une entente, le juge la signe dans son bureau sans se déplacer, puis ils reçoivent chacun le certificat de divorce. Dans ce cas, c’est peu coûteux : seulement une centaine de dollars. »
Rappelons qu’au Québec, on paye aussi pour se marier, contrairement à la France, où le passage devant le/la maire est gratuit. Dans l’Hexagone, il existe quatre motifs de divorce qui représentent en réalité la forme de la séparation : le consentement mutuel, l’altération définitive du lien conjugal, l’acceptation du principe de la rupture du mariage, et le divorce pour faute (qui correspondrait à cruauté et adultère).
Quid d’un couple marié en France qui souhaiterait mettre fin à l’idylle en terre québécoise ? À partir du moment où l’un des membres du couple réside depuis plus d’un an au Québec, c’est possible, et parfois plus simple pour éviter des allers-retours avec le pays d’origine. Il reste toutefois possible d’évoquer des lois étrangères si celles-ci sont plus favorables ou si c’est ce qui est prévu dans un contrat de mariage. En cas de conflit, et en l’absence de contrat précisant la loi applicable, le critère retenu est souvent « le lieu où le couple s’était accordé pour vivre », ou le lieu où sont scolarisés les enfants du couple, s’il y en a. Mais une fois que vous aurez choisi d’entamer vos démarches de divorce auprès d’un avocat au Québec, que vous soyez citoyen ou pas, ce sont en principe les lois québécoises qui s’appliqueront. Et ce, même si vous avez fait un contrat de mariage.
Si vous mettez fin à votre mariage au Québec, sachez que vous allez beaucoup entendre parler du patrimoine familial, « une notion d’ordre public », précise Nicholas Teasdale. Si chacun peut garder ses investissements personnels, le patrimoine familial sera partagé de manière égale entre les deux ex-conjoints, une mesure pensée à l’origine pour éviter que les mères au foyer dans les familles dites “traditionnelles” ne soient lésées en cas de séparation. Cette notion comprend notamment la maison, l’auto et …. le Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) !
Car oui, au Québec, quand on se sépare, on partage aussi sa retraite. C’est là l’une des différences majeures avec la France. En effet, la cotisation est faite par l’employeur et non l’État. Donc, un couple de Français divorçant au Québec devra bien réfléchir à cet enjeu avant de se lancer. « S’ils ne souhaitent pas partager leur REER, ils peuvent divorcer en France, renoncer au fonds de pension de l’autre, puis faire une homologation par un juge ici pour homologuer l’entente. »
À savoir : ce n’est pas le cas pour les conjoints de faits. « Or cette forme d’union est plus fréquente que le mariage au Québec, explique Nicholas Teasdale. Il y a d’ailleurs des discussions pour leur donner les mêmes droits que les couples mariés, mais ça n’a pas encore été officialisé », précise-t-il. Dans ces cas-là, le couple se met d’accord sur ce qui concerne les éventuels enfants issus de cette union, mais il n’y aura ni partage du patrimoine familial, ni pension alimentaire ou prestation compensatoire pour l’ex-époux ou épouse.
D’ailleurs, l’une des plus grandes différences d’avec le divorce en France, c’est la conception de la garde des enfants après une séparation. Si, en France, la mère obtient la garde exclusive dans plus de 80% des cas (avec environ 17% de garde partagée), c’est presque la proportion inverse au Québec. « De façon générale, si les deux parents sont compétents, la tendance est à la garde partagée, exception faite s’il s’agit de très jeunes enfants, ce qui peut évoluer par la suite », précise l’avocat. Une semaine sur deux, voire un jour sur deux, « le juge va organiser les dates et les horaires selon un arrangement qui permettra aux deux parents de voir le plus souvent leur enfant ».
Nicholas Teasdale recommande de bénéficier des services de médiation gratuit si l’on a des enfants, une première étape lorsqu’on décide de se séparer. « Un divorce conjoint bien préparé avec une bonne communication peut éviter un paquet de litiges. Le coût (et le temps !) peut être multiplié par dix en cas de chicane », met-il en garde.
« Si l’un des parents divorcés repart en France, c’est là que ça se complique : l’enjeu principal, ce sera la stabilité de l’enfant. » Si ce parent a la garde exclusive, il sera relativement difficile pour l’autre de s’opposer à un déménagement. Mais en cas de garde partagée, « on regardera alors qui est la figure parentale principale », explique Nicholas Teasdale. Une notion qui fluctue selon la jurisprudence… Vous êtes prévenu(e)s !