Il est fréquent de voir des objets en tout genre déposés sur les trottoirs montréalais par leurs anciens propriétaires. Les passants n’ont qu’à se servir puis leur donner une nouvelle vie.
De nombreux Montréalais prennent l’habitude de s’équiper de cette manière. Ils explorent les allées de leur quartier à des moments stratégiques de l’année. Nous avons échangé avec Nina, Gabi, Bertrand et Augustine, quatre étudiants belges et français qui arpentent la ville à la recherche de belles trouvailles.
Les quatre étudiants ont tous entouré la date du 1er juillet dans leur agenda. Même s’ils ne prévoient pas de déménager ce jour-là, ils se retrouveront pour aller parcourir Montréal à la recherche de nouveaux meubles et autres objets.
Afin d’être certain de tomber sur des trésors pour son chez-soi, il y a des dates stratégiques à retenir.
Le 1er juillet est la plus importante, car tout le monde déménage (on vous explique pourquoi ici). Mais le premier jour du mois de chaque mois peut être une aubaine. Si vous vous promenez le 1er mai dans un quartier étudiant, vous verrez que la session d’hiver est terminée. C’est à ce moment que de nombreuses personnes – et surtout les étudiants étrangers – quittent l’université, et parfois le Québec. Ils se départissent de nombreux biens qu’ils n’ont pas revendus et qu’ils reprennent pas avec eux.
« On est allés dans le quartier de McGill le 1er mai et c’était trop bien ! On n’a fait que ça toute la journée et il y avait des trucs partout », s’exclame Nina, qui estime avoir récupéré à cette occasion environ 2000 $ de matériel neuf.
« On a refait quasiment notre cuisine j’ai récupéré plein de meubles pour ma chambre », poursuit Gabi, la colocataire de Nina.
Ces explorations sont pour les quatre étudiants de vraies chasses au trésor. « On a dû faire sept fois le tour de McGill en une journée, on marchait constamment, on avait fait un plan d’attaque, on a fait 36 000 pas dans la journée », reprend Gabi.
Lorsqu’on décide de s’équiper grâce à ce que l’on trouve dans la rue, on ne part pas avec sa liste de courses. Il faut garder l’esprit ouvert et laisser place à la surprise.
« Tu n’es pas content comme si tu allais faire du shopping pour quelque chose de neuf, tu es content parce que tu n’as pas mis d’argent là-dedans et que c’est ta petite balade qui t’a fait tomber sur de nouvelles choses », explique Augustine qui a également meublé une grande partie de sa chambre grâce à ses trouvailles. Ces sorties sont comme une tournée des friperies, mais à ciel ouvert et sans aucune dépense.
« Tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber, tu peux trouver des choses desquelles tu vas trouver une utilité folle alors que ce n’était pas dans la liste des choses que tu comptais acheter… comme un cuiseur à riz ! Je n’en avais jamais eu et maintenant, que ferais-je sans un cuiseur à riz ? », s’amuse Augustine.
Récupérer des objets est une solution à la fois économique et écologique. « Tu peux récupérer de chouettes choses en bon état et contribuer au bien de la planète et de ton quartier », assure Augustine.
Selon ces quatre amis, la réutilisation des objets trouvés dans la rue est une habitude à prendre. « C’est quelque chose qu’on ne voit pas trop en France, j’ai des potes qui disent qu’on ‘fouille dans les poubelle’, moi c’est quelque chose que j’assume », raconte Nina.
« Et si c’est sale, tu le laves et c’est reparti », précise Bertrand.
Il faut en revanche toujours prendre certaines précautions. On s’abstiendra de récupérer un matelas en raison de la présence récurrente de punaises de lit…
Les quatre étudiants recommandent de ne pas hésiter à fouiller dans les sacs poubelles les jours où les déménagements sont nombreux.
« Il y a ceux qui jettent en cachant alors que ce sont des choses qui peuvent être réutilisées, on a trouvé un aspirateur de compét’ qui n’était pas visible, caché dans un sac poubelle », raconte Gabi qui déplore que les appareils électroniques ne soient pas davantage réutilisés, réparés ou simplement recyclés.
Pendant leurs déambulations, les quatre amis ont trouvé de nombreux objets devenus irrécupérables après avoir été déposés par leur propriétaire de manière indélicate.
« Il n’y a aucune conscience écologique ou même de don ou de partage », déplore Nina.
« On voit des matelas qui ont l’air d’être en super état, ils sont laissés sous la pluie pendant une heure, après ils sont foutus », regrette Augustine qui a vu plusieurs canapés jetés négligemment et de nombreux livres laissés sous la pluie sans protection. « Peut-être qu’il y aurait eu moyen de les mettre ailleurs pour qu’ils soient récupérables, c’est honteux de voir comment les gens ne prennent pas soin de leurs affaires », poursuit-elle.
De son côté, Bertrand se souvient avoir croisé des miroirs brisés, visiblement suite à leur dépôt sur la voie publique : « Si tu le poses joliment, quelqu’un le récupèrera et ça lui évitera d’en acheter un neuf. »
Nina, Gabi, Bertrand et Augustine ne sont pas les seuls à faire la chasse aux trouvailles dans les rues. Beaucoup de résidents temporaires notamment préfèrent trouver des alternatives à l’achat de meubles neufs car ils sont voués à repartir dans leur pays d’origine.
« Nos potes aussi se meublent et améliorent leur espace comme ça », affirme Bertrand avant d’ajouter que lui-même met parfois des objets dont il n’a plus l’utilité en évidence dans la rue afin qu’ils aient droit à une nouvelle vie.
Ces pratiques soulignent un esprit de partage entre les Montréalais. Bertrand précise qu’il ne récupère pas dans l’objectif d’accumuler, et qu’il donne volontiers ses doublons à ses amis.
Selon la Ville de Montréal, 115 000 déménagements ont lieu entre juin et juillet dans la ville, et 50 000 tonnes d’objets sont récupérées à cette période. Il existe une série de règles à suivre pour éviter de jeter et réduire l’impact environnemental.