Sans elle, le magnifique ensemble de bâtiments industriels de la rue Ottawa aurait été détruit. L’ancienne fonderie reconvertie en galerie d’art et ateliers d’artistes à la frontière de Griffintown, fait désormais partie du patrimoine culturel incontournable de Montréal. Rencontre avec une Française déterminée, qui souhaite aller plus loin encore pour faire rayonner les artistes auprès du public montréalais avec la Fonderie Darling.
Du Sud de la France à Montréal et ses bâtiments abandonnés
“Lorsqu’on est arrivés en 2000, ce quartier était totalement à l’abandon et la fonderie était en ruines”, se rappelle Caroline Andrieux. Les entrepreneurs anglophones avaient fui la tension entre francophones et anglophones dans les années 90.”
Depuis 25 ans, cette native de Hyères dirige Quartier Éphémère, l’organisme artistique à but non lucratif qu’elle a cofondé et qui chapeaute la Fonderie Darling. Formée à Paris en histoire de l’art, elle a étudié et travaillé dans les années 80 à New York en se consacrant au mouvement graffiti et plus particulièrement deux artistes qui vont exploser : Jean-Michel Basquiat et Keith Haring. “Cela a orienté ma carrière et ma façon d’aborder l’art, analyse la directrice. Les espaces étaient très présents dans les projets artistiques“.
Admiratif de son travail au sein de l’organisme Usine éphémère à Paris qu’elle a ensuite co-fondé, le Ministère de la Culture québécois invite Caroline Andrieux à Montréal pour qu’elle y apporte sa vision. “À Montréal, il y avait beaucoup de lieux abandonnés et une scène artistique très dynamique“, se rappelle la Française.
En 1994, elle met en place Quartier Éphémère avec des associés franco-québécois et gère l’organisme depuis Paris avant de s’installer à Montréal en 1996 à l’aide d’une bourse. “Je pensais rester un an !“, raconte la directrice qui ne cache pas son attachement pour Montréal et ses habitants “xénophiles“. Au début des années 2000, l’organisme sauve la Fonderie Darling de la démolition et y fait rayonner les artistes depuis 2002.
La fonderie Darling : plus qu’une galerie d’art
“Il y a beaucoup de traces du passé qui sont encore très présentes car nous voulions cet entrechoc entre l’histoire, le présent et le futur mais aussi rappeler la vie des ouvriers qui travaillaient dans des conditions difficiles à l’époque“, souligne la directrice, rappelant que la fonderie a fonctionné jusqu’en 1991. L’un des bâtiments a été reconverti en galerie d’art tandis que l’autre abrite bureaux et ateliers d’artistes en résidence.
Jusqu’au 25 août 2019, la grande salle est consacrée à l’artiste canadienne Barbara Steinman, qui nous a expliqué sa démarche dans cet espace d’exception : “J’ai décidé de ne pas remplir la salle mais son périmètre tout autour, pour changer l’expérience“. Avec ses oeuvres en néons colorés et autres médias, elle propose un questionnement sur notre habitat, notre relation avec la nature et notre environnement. La petite salle contigüe est consacrée à la jeune artiste montréalaise Pascale Théorêt-Groulx, qui nous plonge avec légèreté dans le corps, le sport, l’équilibre et la maladresse.
L’autre bâtiment, qui accueille treize résidents locaux et internationaux à l’année pour une durée variant de quelques mois à 3 ans, favorise notamment les échanges transatlantiques avec la France. “Les échanges avec la France font vraiment partie des fondamentaux de la Fonderie depuis le début (…), précise la directrice. Nous avons eu beaucoup de soutien en France et au Québec. Aujourd’hui, la Fondation des Artistes en France nous aide et la Ville de Paris et le MO.CO de Montpellier accueillent cette année deux de nos artistes en résidence”. L’enrichissement artistique et culturel fonctionne dans les deux sens.
Les prochains combats de Caroline Andrieux
Depuis quelques années, Caroline Andrieux déplore la direction mercantile prise par le quartier de la Fonderie. “On était dans un quartier tellement imprégné d’histoire et c’est assez désolant de se retrouver avec ces tours à condos aux façades en briques neuves“.
Autrefois maître d’un quartier désaffecté avec peu de voitures, La Fonderie Darling a aujourd’hui des difficultés à investir la rue Ottawa ou les bâtiments voisins pour “mettre l’art à la portée des citoyens et des néophytes“. La Place Publique — plate-forme artistique au cours de laquelle des artistes réalisent une performance gratuite en public dans la rue fermée à la circulation — ne fonctionne plus que 11 jeudis par an contre 6 mois de l’année auparavant. La Fonderie Darling, qui se bat depuis 12 ans pour faire de la rue une Place Publique permanente, a mis en place cette année un collectif avec d’autres organismes artistiques ou sociaux pour porter un projet citoyen commun.
Autre objectif de taille pour la Française en 2019 : lever 70.000 $ d’ici le mois de septembre pour acheter le bâtiment transformé en galerie d’art et devenir ainsi propriétaire de l’ensemble industriel de 3.500 mètres carrés composant la Fonderie. Pour soutenir le projet, la campagne de sociofinancement a été lancée le 8 juillet. “C’est la campagne de notre vie. C’est tellement important qu’on arrive à consolider ce lieu pour l’art !“, souligne la directrice.
Et si vous avez une petite soif en flânant du côté de la Fonderie Darling, n’hésitez pas à prendre un verre sur sa petite terrasse : vous soutiendrez sa mission artistique.