Johanna, Fabrice, Clémence et Élodie ont deux points communs : ils sont français et ils ont quitté la France pour fonder leur famille. Chacun à leur façon, ils ont profité de ce que le Canada mettait à leur disposition pour créer une famille homoparentale, là où cela ne relève pas de l’impossible. Portraits de vies à 7000 kilomètres de leur pays natal.
C’est à 12 ans que Johanna a pris la décision de venir vivre au Canada suite à un voyage qui a changé le cours de sa vie. “Je suis tombée en amour pour le pays, les gens, la culture, l’histoire, les paysages. Après avoir terminé mes études en France, j’ai obtenu un PVT (permis vacances et travail) d’une durée d’un an. Au lendemain de mes 20 ans, j’ai donc entrepris ce voyage qui s’est révélé être un aller simple!”, raconte la jeune femme, aujourd’hui âgée de 29 ans.
Avant de poser ses valises au Québec, elle s’était évidemment renseignée sur la situation des personnes LGBT et avait rapidement compris qu’il serait plus simple d’être homo à Montréal plutôt qu’à Marseille, sa ville natale. “Cela a confirmé ma volonté de m’installer ici, c’est sûr ! Au quotidien, ce n’est pas compliqué de vivre ouvertement son orientation sexuelle, ça en est presque banal. Je pourrais dire absolument le contraire au sujet de ma région d’origine.” Quelques jours seulement après son arrivée à Montréal, elle a rencontré celle qui est devenue sa femme et la mère de ses deux enfants. “Si je suis épanouie aujourd’hui, c’est grâce au Québec. J’ai pu y fonder ma famille en accord avec moi-même et cela sans trop d’embûches. Une famille respectée par les gens qui m’entourent, proches ou moins proches”, confie Johanna qui est passée par une clinique de fertilité avec un don de sperme anonyme et gratuit (à l’époque) pour tomber enceinte.
“Lorsqu’on a commencé notre processus de procréation, je me souviens qu’en France il y avait encore des manifestations contre les couples de même sexe, contre le mariage homosexuel, contre la procréation assistée, etc. Pendant ce temps là, nous à Montréal, de la façon la plus simple au monde, on avait accès à une clinique à deux pas de chez nous qui nous aidait à fonder notre famille.”
Ses enfants ne sont pas déclarés au registre de l’état civil français, par conviction. “Je ne souhaite pas qu’ils soient déclarés comme étant né de père inconnu ou toute autre mention farfelue. Ma conjointe ne pouvant pas apparaitre comme second parent aux yeux de l’État français, je préfère m’abstenir,” explique Johanna qui encourage les couples homos à venir au Québec pour avoir des enfants et “enfin être reconnus aux yeux de la loi et de la société comme étant deux parents.”
Fabrice, favorable à une GPA éthique
Fabrice, 31 ans, a décidé de déménager au Canada à l’été 2018 avec son compagnon. Entre le Québec et l’Ontario, ils hésitent encore mais une chose est sûre : ils quittent la France pour fonder leur famille comme ils l’entendent. “Le Canada offre des perspectives d’émancipation plus importante qu’en France notamment concernant l’homoparentalité au niveau de législation et de la reconnaissance.”
S’ils ont déjà envisagé d’adopter, c’est aujourd’hui l’option de la gestation pour autrui (GPA) qui semble leur convenir davantage. “Le système nous semble bien organisé et répond à nos attentes. Nous souhaitons une GPA éthique où la mère porteuse fait partie intégrante du projet,” confie Fabrice avant de rappeler que la gestation pour autrui est toujours illégale en France et que l’adoption est théoriquement ouverte aux couples de même sexe mais que l’attente est interminable. “Nous trouvons le Canada en avance et en accord avec la société actuelle. On en a une image de liberté et de tolérance plus forte qu’en France. Il sera peut être le pays où notre famille verra le jour.”
Élodie et Clémence, quant à elles, ont réalisé leur rêve de devenir mamans grâce à l’ouverture d’esprit canadienne et à un donneur de sperme montréalais trouvé sur un forum internet. Après l’avoir sélectionné sur des critères physiques (en fonction de caractéristiques communes à Clémence, la mère non biologique), elles ont établi un contrat de non paternité avec le donneur. À leur entière disposition aux moments propices (il se rendait à leur domicile dès que besoin), il leur a permis de concevoir un bébé en toute intimité. “On avait décidé que Clémence m’inséminerait chez nous. Cela nous paraissait être un droit naturel comme pour n’importe quel autre couple”, expliquent les deux mamans. Leur premier enfant, Nathanaël, est né le 17 septembre 2015 et il sera bientôt grand frère… “On a fait appel au même donneur que pour Nathanaël, on attend maintenant notre deuxième bébé pour la fin de l’année.” Tout comme Johanna, c’est par convictions personnelles que leur fils n’est toujours pas déclaré au Consulat de France à Montréal. “Il y a 90% de chance que je ne sois pas reconnue comme la mère, je ne vois pas l’intérêt. On le fera un jour pour laisser le choix à nos enfants de vivre ici ou là-bas mais ce n’est pas notre priorité”, confie Clémence qui a pu profiter de l’équivalent d’un congé paternité à la naissance de son fils.
Zoom sur la Coalition des familles LGBT
Formée en 1998 et présente partout au Québec, la Coalition des familles LGBT milite pour la reconnaissance légale et sociale des familles avec parents LGBT. Concrètement, il s’agit d’un groupe bilingue de parents et futurs parents lesbiens, gais, bisexuels et transgenres (LGBT) qui échangent des informations et partagent des ressources. Mona Greenbaum, directrice de la Coalition des familles LGBT, est une spectatrice privilégiée de cette “migration reproductive” des Français LGBT au Canada et au Québec en particulier. “Il est impossible de les rater. Un très grand nombre de personnes immigrantes en provenance de la France ont récemment rejoint la Coalition des familles LGBT. Il est évident que les lois qui accordent la reconnaissance légale complète aux familles LGBT font en sorte que le Québec est une destination intéressante. Il s’agit bien sûr de l’un des facteurs de motivations des personnes LGBT qui viennent ici”, explique-t-elle.