Poignant. C’est le mot qui vient à l’esprit lorsqu’on ressort de l’expo World Press Photo 2019 à Montréal. Au milieu des sujets douloureux abordés (déclin du Venezuela, réalité des migrants, attaques en Syrie, conflits au Yémen, incendies en Californie), l’exposition propose aussi des portraits lumineux, comme ceux proposés par Bénédicte Kurzen et Sanne De Wilde.
On ne dirait pas mais Bénédicte Kurzen et Sanne De Wilde, qu’on prend parfois pour des jumelles (il n’y a pas de hasard), sont les premières femmes photographes de l’histoire du World Press Photo à cosigner une série récompensée par un premier prix, ici dans la catégorie Portraits, pour leur reportage intitulé “Terre des jumeaux” (titre original “Land of Ibeji”). “C’est un peu la loterie le World Press Photo ! Il y a quand même 4700 photographes qui envoient leurs photos… Impossible de savoir pourquoi nos photos ont fait la différence”, a confié modestement Bénédicte Kurzen, la Française qui vit en Afrique depuis une quinzaine d’années.
Membre de l’agence Noor depuis 2012, elle s’est installée à Lagos cette même année, poursuivant sa couverture de l’Afrique et du Nigeria. “Il y a une grande tradition de photographies de studio et de rues au Nigéria, comme partout en Afrique de l’Ouest d’ailleurs”, a confié celle dont l’objectif s’est posé sur la mythologie des jumeaux au Nigéria, où l’compte l’un des taux de naissances de jumeaux les plus élevés au monde, en particulier chez les Yorubas, au sud-ouest du pays. À Igbod-Ora, surnommée aussi “La terre des jumeaux”, presque chaque famille connaît au moins une naissance de jumeaux.
Là-bas, presque chaque famille connaît au moins une naissance de jumeaux. Les communautés ont développé différentes pratiques culturelles, allant de la vénération à la diabolisation. L’objectif du duo ? Essayer d’approcher la question de la mythologie des jumeaux de façon différente. “Culturellement, là-bas, les jumeaux sont liés au monde spirituel. Certaines communautés commettent encore des infanticides car ils considèrent encore que les jumeaux sont des esprits et qu’il faut les renvoyer dans le monde des esprits”, a raconté Bénédicte Kurzen lors de la visite presse. “Quoiqu’il en soit, la naissance des jumeaux est considérée comme abnormale et pour certaines communautés, au contraire, c’est aussi un signe de chance”, a raconté Bénédicte Kurzen qui souhaitait surtout rendre hommage à une grande richesse de croyances et à une vision duelle du monde. “Qu’est-ce que cela veut dire être né avec un lien si fort, d’être deux personnes, mais une seule en même temps ? C’est ce que nous voulions explorer en images”, a aussi confié le duo ici.
S’il n’est pas facile de capter un sujet dont une grande partie est liée au monde spirituel, des techniques existent comme l’utilisation de filtres, par exemple. “Le filtre rose symbolisait le mysticisme, le rouge le danger, etc. On a utilisé une grande palette de techniques photographiques pour parvenir à nos fins”, raconte les deux jeunes femmes qui, pour la première fois, ont chacune appris à travailler en duo. Pari réussi.
La preuve avec la photo en Une de cet article qui leur a permis de remporter le premier prix dans la catégorie Portraits (Reportages) du World Press Photo cette année.
Ce jeudi 29 août, de 18 h à 20 h, Bénédicte Kurzen et Sanne De Wilde seront présentes au Marché Bonsecours pour échanger avec les visiteurs. C’est un rendez-vous !