Le cinéma a le pouvoir de façonner les esprits, et ça, Julie Gayet l’a bien compris. Avec Olympe, une femme dans la Révolution, elle met ce médium grand public au service des femmes en célébrant Olympe de Gouges, grande humaniste et pionnière des droits des femmes longtemps effacée de l’histoire. Aux côtés de son coréalisateur Mathieu Busson, la réalisatrice entend réparer cette injustice et redonner à cette figure révolutionnaire la place qu’elle mérite. Nous avons échangé avec elle quelques heures avant la première mondiale du film, dans le cadre de CINÉMANIA, où elle était conviée à la fois en tant que membre du jury, coréalisatrice d’Olympe, une femme dans la Révolution et actrice principal du film.
« L’intersectionnalité des luttes, elle l’avait déjà compris sans mettre des mots dessus », lance Julie Gayet, coréalisatrice d’Olympe, une femme dans la Révolution. Olympe de Gouges était en effet une pionnière de l’engagement politique féminin et de la lutte contre l’esclavage, à l’époque de la Révolution française.
Et son héritage est encore bien réel. Elle a rédigé en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, un texte révolutionnaire prônant l’égalité juridique et légale entre les hommes et les femmes. À une époque où les femmes étaient placées sous la tutelle de leur père ou de leur mari, Olympe de Gouges revendiquait l’émancipation. Son statut de veuve lui octroyait une relative indépendance qui lui permettait de s’impliquer dans le débat public.
Pourtant, son exécution sous la Terreur a marqué le début de son effacement dans les mémoires collectives. Il a fallu attendre 1981 pour que l’historien Olivier Blanc lui consacre une biographie, la première à mettre en lumière son rôle dans la Révolution. « On a tellement parlé de Robespierre, de Jean-Paul Marat, d’une Révolution d’hommes pour les hommes et avec les hommes. Personne ne parlait d’Olympe de Gouges », déplore Julie Gayet.
Aujourd’hui, la reconnaissance est en marche, plusieurs voix appellent même à sa panthéonisation. Et Julie Gayet, quant à elle, a choisi de lui donner un visage. Et ce visage est celui de Julie Gayet elle-même, qui incarne la protagoniste à l’écran. « C’était une chance incroyable et une responsabilité énorme », confie-t-elle. L’absence d’images de référence a rendu l’incarnation d’Olympe encore plus délicate. « Il n’existait aucune image d’elle », remarque Julie Gayet, qui décrit son intention de combler les « images manquantes de l’histoire ».
Cette mission est de la plus haute important pour l’actrice, qui montre une implication certaine pour la cause féministe depuis ses débuts en cinéma. Pas le choix, elle a fait ses armes aux côtés d’une autre pionnière qui n’est nulle autre qu’Agnès Varda. « J’ai eu cette chance inouïe d’être au contact de quelqu’un qui était libre », partage Julie Gayet. Inspirée de la philosophie de la cinéaste, elle avait à coeur de tourner le film dans un environnement parfaitement paritaire. Un modèle indispensable, selon elle.
« On parle souvent de cancel culture, mais moi, je préfère parler de bright culture : il faut mettre en lumière ce qui a été oublié », explique Julie Gayet. Pour l’actrice et réalisatrice, on ne peut mettre en lumière Olympe de Gouges sans avoir l’intention de revoir l’Histoire. Les femmes, leurs combats, leurs accomplissements, sont souvent restés dans l’ombre des récits historiques, dominés par des figures masculines.
Julie Gayet n’a pas seulement voulu filmer une héroïne du passé. Elle a surtout cherché à toucher le public le plus large possible, en accompagnant son oeuvre de débats et de projections dans les établissements scolaires. Olympe de Gouges est étudiée au bac français depuis peu, mais les co-réalisateurs espèrent pouvoir ancrer son histoire dans les mémoires collectives.
Et cette présentation du film dans les établissements scolaires est également, selon Julie Gayet, un moyen d’aborder des sujets d’actualité importants : « Entre #MeToo, le sexisme, la parité et l’égalité salariale… on évoque beaucoup de choses avec les collégiens et les lycéens lorsqu’on vient présenter Olympe. »
En définitive, Julie Gayet voit en Olympe de Gouges une source d’inspiration pour les luttes contemporaines : « Ce n’est pas un combat de femmes contre les hommes, mais un combat pour l’égalité. Olympe elle-même disait : Le pire ennemi des femmes, ce sont les femmes. Il faut sortir de la jalousie et de l’opposition pour avancer ensemble. »
Une pleine émancipation des femmes passera selon elle aussi par des modèles culturels forts. « Les femmes devraient toutes avoir vu Thelma et Louise. Ce film leur ferait tellement de bien. » Avec Olympe, une femme dans la révolution, elle espère offrir au monde une autre icône, un modèle de courage et d’engagement.